Entre jeu vidéo et leçon d’histoire, Ubisoft sort son «Discovery Tour: Viking Age»
Apprendre l’histoire de manière ludique c’est le pari que relève une nouvelle fois Ubisoft en proposant le Discovery Tour: Viking Age, sa leçon qui conjugue jeu vidéo et musée virtuel à monde ouvert. Métro a pu poser quelques questions à Maxime Durand, «l’historien d’Ubisoft Montréal» en charge de ce projet ludoéducatif.
Depuis ses débuts, la saga Assassin’s Creed se conjugue avec l’histoire en toile de fond. Pour chaque épisode de la franchise, les joueurs sont plongés dans une période historique et côtoient différentes civilisations. Pour chaque univers Maxime Durand, aidé d’autres historiens ont réutilisé des travaux de recherches et d’archéologie afin alimenter les créatifs et les développeurs des studios d’Ubisoft, en essayant de garder un équilibre entre réalisme et jouabilité.
Après avoir abordé l’Égypte et la Grèce antique, Ubisoft Montréal a débarqué les joueurs sur les rivages de la mer du Nord et l’Angleterre du IXe siècle pour son épisode estampillé Viking avec Assassin’s Creed Valhalla. Un an après la sortie et le succès de ce dernier opus, Ubisoft s’apprête à dévoiler sa nouvelle version du Discovery Tour qui prend place dans le même univers, nommé Viking Age.
Véritables expériences d’apprentissage immersives, ces Discovery Tour sont le fruit d’un travail de longue haleine entamé il y a quelques années par Maxime Durand et son équipe. Aujourd’hui, directeur de conception monde chez Ubisoft, cet historien de formation diplômé de l’UdeM chapeaute le travail historique de la franchise depuis son arrivée en 2010.
Des quêtes immersives
Très fidèle malgré quelques libertés créatives, les univers développés dans Assassin’s Creed étaient déjà utilisés par de nombreux enseignants, désireux d’illustrer leurs cours avec ces revisites ludiques de l’histoire. Mais pour Maxime Durand et l’équipe d’Ubisoft, l’envie était présente d’en faire plus:
«Chacun individuellement on s’est dit, y’a un moment il faut en faire plus. On a tous ces univers-là qu’on a créés et on sait qu’il y a des enseignants qui sont intéressés de les utiliser en classe. Mais ça ne correspond pas à leurs besoins, donc soit en termes de durée, soit en termes de contenus, en termes de gestion et du matériel», raconte l’historien.
Après «beaucoup de discussion avec des musées, des professeurs et des enseignants », les équipes d’Ubisoft ont élaboré un prototype qui aboutira avec la sortie du premier Discovery Tour en 2018.
Jeu à part entière, cette version pacifique et pensée de manière plus pédagogique permet de vivre l’expérience historique de manière immersive en réutilisant le contenu des jeux Assassin’s Creed.
Pour ce nouveau Discovery Tour: Viking Age, fini les parcours guidés comme dans un musée. Les équipes d’Ubisoft Montréal ont privilégié une approche plus vidéoludique en plongeant le joueur directement dans huit quêtes initiatiques, mais surtout éducatives. On y incarne ainsi à tour de rôle quatre personnages, autant du côté viking que du côté Anglo-saxon. «Un angle qui n’a pas été couvert par le jeu Assassin’s Creed Valhalla » souligne Maxime Durand
Ce sont souvent les victimes des vikings, mais justement on voulait aller plus loin, on voulait que ce soit quelque chose qui fasse progresser la connaissance des joueurs sur l’expérience qu’ils ont eue sur Valhalla. Même s’ils ont joué 200 heures. Mais on voulait aussi que ce soit un produit qui continue à être accessible pour des gens qui ne sont pas des joueurs.
Maxime Durand, directeur de conception monde chez Ubisoft Montréal
Qu’il soit donc joueur confirmé ou néophyte, celui-ci se voit ainsi plongé en plein IXe siècle. Ici pas de combats et de violence, les conflits et les quêtes proposées se règlent par des enquêtes, des tâches à remplir ou des joutes verbales. Les joueurs comme les élèves pourront ainsi tout apprendre de la construction d’un drakkar, concocter un remède médiéval ou régler des tensions entre roi anglo-saxon et sa cour en mettant la main à la pâte.
Entre deux conversations, le joueur peut également visiter à sa guise les nombreux environnements modélisés par les équipes d’Ubisoft comme s’il se baladait dans un musée virtuel. Libre à lui suivre les rails de son aventure ou à tout moment de choisir d’explorer librement la carte du monde.
Ici contrairement à la version classique du jeu, on prend le temps de flâner dans les rues enneigées d’un village viking, de s’émerveiller dans les allées d’un monastère, ou de s’empreignait de la ferveur d’un banquet dans une maison longue, en observant les habitants vaquer à leurs occupations.
«C’est vraiment le grand changement de ce nouveau Discovery Tour, c’est qu’on assure plus des tours, on vit des quêtes, on vit des aventures sous la perspective de ces quatre personnages», assure Maxime Durand.
En complément des quêtes, des «cartes de savoir» pullulent sous forme de lumière vive un peu partout dans les niveaux. Les cartes dorées fourniront au joueur des faits historiques sur l’art, la culture, la justice, les sciences, de l’époque, le tout systématiquement illustré et référencé comme dans un manuel d’histoire. Les pastilles bleues quant à elles, sont ici pour fournir les Behind the Scenes, avec des anecdotes de développement, mais aussi des éclairages sur le travail réel d’un développeur de jeu vidéo sur un jeu comme Assassin’s Creed. C’était aussi l’occasion pour Maxime Durand de justifier parfois des choix historiques et de saluer le travail de son équipe.
C’était pour moi un peu une lettre d’amour à mes collègues, et à leur talent et pouvoir le mettre en valeur. Parce que normalement on ne peut pas le faire au travers du jeu. On ne peut pas briser ce 4e mur, mais ici on se le permet.
Maxime Durand, directeur de conception monde chez Ubisoft Montréal
La ludification au service des enseignants
Si la formule de ces tours virtuels était déjà efficace, au point d’être une des choses les plus attendues par les joueurs selon l’historien, cela n’empêche en rien de l’améliorer. Et ce notamment grâce aux retours de leurs premiers utilisateurs.
Comme le souligne M.Durand, ce sont surtout les retours des enseignants conscients du potentiel du jeu vidéo en classe qui a encouragé les équipes, fort de leurs expériences dans le domaine, à pousser encore plus loin le levier de la ludification au profit de l’apprentissage.
«Ils nous disaient, c’est vraiment bien ce que vous faites parce que c’est une excellente base que personne d’autre ne fait. Mais pourquoi vous n’utilisez pas encore plus les systèmes des jeux vidéo pour aller plus loin ?», relate-t-il.
Si l’historien se dit déjà content des deux premières versions du Discovery Tour, ce Viking Age et son évolution continuent de le combler de fierté, notamment en vue des résultats confirmés par plusieurs études :
Aujourd’hui quand on joue une des quêtes, on n’a pas l’impression de suivre un cours d’histoire. On a vraiment l’impression de suivre l’aventure de nos personnages. Et puis à la fin on se dit »’ah, mais j’ai peut être appris quelque chose en fait ». Et puis c’est intéressant les tests qu’on a fait sur ce Viking Age démontre que la compréhension est excellente entre l’avant et l’après de son utilisation.
Maxime Durand, directeur de conception monde chez Ubisoft Montréal
Si ce Discovery Tour se veut plus «joueur» que les précédents, la mission d’Ubisoft avec ce mode éducatif reste toutefois de le rendre toujours le plus accessible possible, et ce pour plus grand nombre.
De cette volonté à notamment découler un nouveau partenariat avec l’université McGill, afin d’accompagner les enseignants qui désirent incorporer les anciens Discovery Tour à leur enseignement. Un site web aidera ceux qui le désirent à mettre en place ces sessions de jeu en fonction de leurs moyens en classe.
«Un enseignant du primaire qui veut utiliser le Discovery Tour à Montréal trouvera des réponses à ses questions sur comment l’implémenter dans une classe, avec quel matériel, et quoi faire dépendamment s’ils ont un projecteur, quarante consoles, s’ils veulent travailler à 1 ou à 4 par groupes, etc.», affirme M.Durand. Mise en place par deux doctorants, des tests et des articles scientifiques sur la ludification découleront de ce partenariat avec le studio montréalais.
En plus d’une mise à jour gratuite pour ceux qui possèdent déjà l’épisode Valhalla, le Discovery Tour : Viking Age profitera d’une sortie en achat séparé sur les consoles Xbox et PlayStation, mais aussi sur Google Stadia et Amazon Luna.