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«Les jolies choses»: une partition périlleuse signée Catherine Gaudet

La création « Les jolies choses » de Catherine Gaudet est présentée à l’Agora de la danse du 1er au 3 mars. Photo : Mathieu Doyon
La création « Les jolies choses » de Catherine Gaudet est présentée à l’Agora de la danse du 1er au 3 mars. Francis Ducharme, Caroline Gravel, James Phillips, Leïla Mailly, blessée, et Scott McCabe étaient les interprètes originaux de la partition. Photo : Mathieu Doyon Photo: Mathieu Doyon

L’Agora de la danse présente à compter de ce soir la création Les jolies choses, signée Catherine Gaudet, qui avait été montée le printemps passé au Festival TransAmériques.  

La partition, «périlleuse» pour ses interprètes, n’a pas changé d’un seul millimètre, raconte la chorégraphe en entrevue avec Métro. «Au départ, on se plaisait même à dire qu’elle était impossible», rigole-t-elle.  

Catherine Gaudet, chorégraphe de « Les jolies choses ». Photo Julie Artacho
Catherine Gaudet, chorégraphe du spectacle Les jolies choses. Photo: Julie Artacho

Partition quasi impossible 

«Mon obsession durant la création était de créer la partition la plus complexe à mémoriser sur le plan des repères spatiaux», et ce, individuellement comme en groupe, explique la lauréate du Grand Prix de la danse de Montréal 2022, une récompense qui souligne l’effervescence créatrice de sa pratique, mais qu’elle partage avec ses complices interprètes. «Ce prix les a touchés aussi.» 

Les jolies choses s’avère en effet riche en défis pour les cinq interprètes sur scène, qui se meuvent à l’unisson de façon mécanique et répétitive tout au long de la partition rythmée par une musique instrumentale les aiguillant tel un métronome. Et le groupe ne peut déroger à cette cadence haletante. 

Non seulement les danseur.euse.s forment un rang qui tourne sur lui-même, mais en plus chaque interprète pivote: la partition exige ainsi une rigueur à toute épreuve de leur part. 

Dany Desjardins (qui remplace Francis Ducharme, sollicité sur les planches du théâtre Prospero au même moment pour la pièce Si vous voulez de la lumière), Caroline Gravel, James Phillips, Lauren Semeschuk et Scott McCabe font face à une partition étourdissante, «hyper exigeante sur le plan cardiovasculaire», affirme Catherine Gaudet.  

À un point tel que les interprètes accèdent à «un autre état de conscience, une espèce de deuxième souffle», lui ont-ils avoué. «Comme si le temps n’existait plus, qu’ils n’avaient plus la sensation de l’effort, qu’ils atteignaient une forme extatique», souligne Catherine. 

Énoncer l’effort 

La chorégraphie est si exigeante que Catherine a constaté que, même à l’aube des représentations l’an passé, les interprètes ne la maîtrisaient pas parfaitement.  

«Ils continuaient d’avoir besoin de se donner des repères pour savoir à quel compte ils étaient rendus ou ce qui s’en venait», se souvient Catherine, qui en était fascinée. «Ils essayaient de camoufler ces demandes vocales… ce que je trouvais malheureux, car on finissait par les voir parler.»  

Or, plutôt que les empêcher de s’entraider, elle leur a demandé de le faire à haute voix, mettant ainsi leurs besoins au service de la création.  

«On les voit batailler avec la partition, être en péril. Ça met en lumière la solidarité dont la partition a besoin pour advenir, pour exister telle qu’on l’a imaginée au départ», résume Catherine, qui fait aussi remarquer que «ça ajoute à l’état d’alerte comme spectateur». 

  • La création « Les jolies choses » de Catherine Gaudet est présentée à l’Agora de la danse du 1er au 3 mars. Photo : Mathieu Doyon
  • La création « Les jolies choses » de Catherine Gaudet est présentée à l’Agora de la danse du 1er au 3 mars. Photo : Mathieu Doyon

Pas si jolies, les choses… 

Au début du spectacle, les mouvements semblent tout simples, chaque interprète affichant un air imperturbable. «Il y a quelque chose de très joli, très ornemental, si on veut», décrit la chorégraphe.  

Mais au fur et à mesure que progresse et se complexifie la partition, les mouvements répétitifs défigurent les interprètes, les visages manifestant de plus en plus le labeur. «Ça devient une espèce de bête vraiment difficile à maîtriser», illustre Catherine Gaudet. 

Le titre de la pièce, choisi après moult tergiversations de sa part, dit-elle, se veut à cet effet «un peu absurde». «Ça ne laisse absolument pas présager ce qu’on va voir. C’est comme dire aux spectateurs: ce spectacle sera inoffensif, alors qu’il ne l’est pas du tout.» 

Pris dans la machine  

Catherine Gaudet, qui aime exploiter les zones d’ambiguïté dans son travail, a façonné Les jolies choses en s’inspirant des contradictions de notre époque.  

«Les interprètes sont comme coincés dans une machine infernale à laquelle ils doivent répondre, expose-t-elle. Et ce qui est paradoxal, c’est qu’ils font aussi tourner la machine, ils sont eux-mêmes la machine.»  

«On est victime de notre quotidien — on se sent toujours pris dans un cycle infernal de routines qu’on se doit d’accomplir —, mais c’est nous en même temps qui faisons fonctionner cette machine, qui nous obligeons à y répondre», conclut-elle en rigolant.  

Les jolies choses
De Catherine Gaudet
Agora de la danse 
Du 1er au 3 mars

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