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Une pièce en héritage

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Demain soir, les comédiens et les comédiennes de la pièce Héritage fouleront pour une dernière fois les planches du Théâtre Duceppe. Beaucoup d’encre a coulé depuis la première représentation de cette œuvre, signée Lorraine Hansberry, qui raconte l’histoire de la famille Younger. Écrite il y a 60 ans, Héritage projette la réalité d’une famille afro-américaine dont les rêves et aspirations se heurtent aux effets encore palpables de la ségrégation. Les critiques ont été élogieuses, le travail des acteurs(trices) a été applaudi et un public plus diversifié que jamais a répondu à l’appel.

Tout au long de la pièce, le public est confronté à plusieurs questions fondamentales. Qui a le droit de rêver? Et à quel prix? Qui a droit à la réussite? L’argent peut-il tout acheter?  Des questions universelles, certes, mais qui ont une dimension particulière lorsqu’elles sont appliquées à une perspective racisée ou, du moins, lorsque la race est un facteur déterminant des trajectoires possibles.

«Malgré les efforts, les milieux théâtral et artistique doit se mettre en mode réflexion.»

J’ai vu la pièce deux fois plutôt qu’une. La première fois, je n’ai pu contenir mes larmes. Le jeu de Frédéric Pierre et de Mireille Métellus m’a bouleversée. S’il est vrai que le texte est incroyable, le jeu des acteurs l’est tout autant. Un casting qui vient démentir l’argument selon lequel il est difficile de trouver, chez nous, des talents compétents issus des communautés culturelles. Les dialogues entre les personnages sont puissants et portent à réfléchir. On se reconnaît dans les tribulations de la famille Younger. Personne ne peut nier avoir un jour douté de ses choix et de leurs conséquences.

Le succès d’Héritage marque un tournant dans le théâtre institutionnel québécois. Une distribution à majorité issue de la diversité est une première pour ce milieu très hermétique. Quand les lumières s’éteindront au Théâtre Duceppe demain, les codirecteurs artistiques Jean-Simon Traversy et David Laurin pourront se féliciter d’avoir osé. Duceppe est sous les feux des projecteurs pour son engagement à faire partie de la solution sur les enjeux liés à la diversité et à l’inclusion. Il y a eu Race et maintenant Héritage. L’Opéra de Montréal a également été audacieux en présentant Champion et Porgy & Bess.

Malgré les efforts, les milieux théâtral et artistique doivent se mettre en mode réflexion. En effet, s’il est vrai qu’il y a un grand besoin d’inclusion et de diversité, il va sans dire que l’histoire des Noirs ne se résume pas à l’esclavage, à la ségrégation et à l’interminable turbulence de l’existence, comme le mentionnait Jenny Salgado au micro de Myriam Fehmiu. Il y a des histoires contemporaines dont les trames narratives sont complètement déconnectées du corps noir. Et c’est par là que passe la vraie inclusion! Oui, on doit faire davantage pour rétablir l’équilibre, mais on doit surtout laisser l’autre se raconter. Faire plus de place à des créateurs(trices) issu(e)s de la diversité. Ce qu’on voit sur les planches est souvent le résultat final d’un processus de réflexion qui ne commence pas nécessairement par l’implication des gens qu’on veut représenter. Et on va se le dire franchement, on n’a pas forcément besoin de raconter une histoire de Noirs, d’Arabes ou d’Autochtones pour les retrouver dans une pièce ou sur nos écrans. La diversité n’a pas à être forcée, elle existe de fait, on doit simplement la refléter.

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