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Un grand Québec

Frédéric Bérard

Vous savez quoi? J’ai appris à aimer, depuis la crise, le premier ministre du Québec François Legault. Sérieusement. Oui, je sais, pas toujours limpide à la lecture de mes chroniques ou autres publications – le mutisme ambiant provoquant parfois cette nécessité de contrepoids – mais il n’en demeure pas moins que le style Legault, au final, séduit.

Certes, je le préférerais davantage intellectuel. Plus voyageur, littéraire et visionnaire. Plus intéressé aux droits fondamentaux et leur fonctionnement, et plus sensible (beaucoup plus, en fait) à la réalité de minorités, la musulmane au premier chef. Moins brouillon ou petite semaine. Reste que la bonhomie du premier ministre, son pragmatisme et sa sincérité compensent ces travers. Parce qu’au contraire de plusieurs prédécesseurs, lorsque Legault se dit outré d’une situation X ou Y, on le croit.

Exit le jeu d’acteur ou les larmes de croco. Dans le même rayon, sa capacité à admettre les erreurs de son gouvernement et rectifier le tir tranche, pardon pour la lapalissade, avec la condescendance des pouvoirs antécédents. S’ajoute enfin, à ceci, la composante suivante: l’absence d’idéologie trop ancrée. Rien de surprenant du fait que l’on parle ici d’un assez jeune parti formé à titre de coalition, dont l’axiologie demeure, bien souvent, à être définie ou parfaite.

«Et entre l’utopie et la dystopie, mieux vaut la première. Particulièrement, il va sans dire, lors d’un gouvernement à l’écoute.»

À un point tel où j’ai récemment rêvé – au sens propre – que le gouvernement Legault lançait une tournée de consultation visant à définir le Québec post-COVID. Mes premiers flashs, non-partisans, absolus ou irrespectueux d’autres priorités tout autant valables, ci-après:

  • Un Québec (également) de régions. Conflit d’intérêts, ici, j’assume. À quand la décentralisation de certains centres décisionnels ou, surtout, opérationnels? Est-il absolument névralgique que le ministère X, avec ses emplois d’ordinaire rémunérateurs, ait pignon sur rue à Québec ou à Montréal? À quand le prochain vrai ministère des régions, au fait?
  • Un Québec davantage ouvert. Plaidoyer pour la trêve de la chasse, stérile, à la différence. Cessons la construction d’ennemis imaginaires. La femme musulmane, incluant évidemment celle qui porte le voile, se veut autant Québécoise que quiconque, a fortiori lorsqu’elle souhaite œuvrer pour l’État en raison de son diplôme universitaire en enseignement – grâce auquel elle paiera ses impôts et servira, en français, ses concitoyens. La libérer de l’emprise d’un barbu l’enchaînant au calorifère d’un sous-sol? Arrêtons les conneries et fichons-lui, enfin, la paix. Quant aux étudiants étrangers, demandeurs d’asile ou autres, ceux-ci sont des alliés et des ambassadeurs, non des ennemis ou simples statistiques économiques. Ils ont choisi, parmi une tonne de possibilités, le Québec. Soyons, à l’image des Lévesque, Couture et Godin, à la hauteur. Délestons la crainte et épousons, de nouveau, l’audace identitaire.
  • Un (vrai) Québec vert. Go pour la mesure déjà adoptée, excellente par ailleurs, d’hydro-électrifier les transports, processus industriels et bâtiments. Une portion appréciable de l’économie, en d’autres mots. Étendons, maintenant et sans freins, les mesures annoncées. Incitatif, voire imposition, dans certains cas, du télétravail? Re-go. Fin aussi de l’insulte à l’intelligence collective par des formules orwellienne du style «le troisième lien est bon pour le développement durable». Et pour s’assurer que les prochaines actions étatiques respectent le nouveau paradigme, amendons la Charte québécoise afin d’y inclure un droit, cette fois cœrcitif, à la sécurité environnementale.
  • Un Québec pro-information. En ces temps difficiles, voire catastrophiques pour l’information (et son corollaire), pourquoi ne pas reprendre l’idée du chum Éric Bédard et faire de Télé-Québec une salle de presse d’envergure? Couverture régionale, nationale, internationale? Quoi, trop cher, les quelques centaines de millions nécessaires à l’opération? Ah bon. Et le coût de la désinformation sur la démocratie et l’État de droit, lui?
  • Un Québec pour les aînés. Nul besoin d’en dire davantage. Mais propositions de clowns (sans mauvais jeu de mots) ou de Mr. Freeze à l’orange, s’abstenir…

Ridiculement rêveur? Partiellement, oui, du moins selon certaines couleurs déjà affichées. Mais l’opération demeure gratis. Et entre l’utopie et la dystopie, mieux vaut la première.

Particulièrement, il va sans dire, lors d’un gouvernement à l’écoute.

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