Soutenez

État du français au Québec, une faute qui incombe à tous

Photo: Archives
Charles-Vincent Chevalier - Collaboration spéciale

Avec le dépôt du projet de loi 96, de nombreux anglophiles semblent se faire un devoir de rappeler que l’anglais est la langue des affaires, tandis que le français est révolu, au mieux une note de bas de page de notre histoire. Cependant, ce discours est pernicieux, car il retire l’aspect culturel d’une langue. La vérité est qu’une langue est une littérature, de l’art, une façon de vivre, etc. Si on enlève ça, alors, oui, une langue n’est qu’un outil pour le faire du « business ». À une époque où la diversité est célébrée, pourquoi la protection des langues ne fait pas partie de cette célébration ?

Le débat linguistique ne se réduit pas à « l’opposition » entre anglais et français, mais l’anglais et toutes les autres langues du monde. Nous portons tous le blâme de l’imposition de l’anglais comme langue unique, et ce, peu importe nos origines. Vous ne comprenez pas mon propos? Eh bien voici un exemple vous expliquant la situation dangereuse dans laquelle nous nous trouvons. En 2019, Ursula von der Leyen, la présidente de la Commission européenne, a tenté de mettre en place une procédure décisionnelle uniquement en anglais. Pourtant, au même moment, le Royaume-Uni négociait toujours son Brexit[1]. Vous le voyez, la préservation du français dépasse largement le Canada. Certains cyniques diront qu’il y a une certaine justice, puisque le français, autrefois langue du colonisateur, s’est imposée aux autres d’une façon similaire, c’est-à-dire par l’assimilation culturelle. Eh bien moi, je leur dis que la langue n’est pas responsable des choix déplorables de ses locuteurs. Doit-on arrêter d’apprendre l’allemand à cause de l’Holocauste ? Doit-on arrêter d’apprendre le mandarin ou l’hébreu, car nous serions en désaccord avec les gouvernements chinois et israélien ? Bien sûr que non.

On souligne beaucoup, au quotidien, nos échecs et erreurs au Québec et au Canada. Cela me fait réfléchir sur le cynisme de notre société qui s’attaque, parfois, avec une grande férocité au gouvernement de la CAQ. Cependant, je trouve qu’on mentionne très peu la responsabilité individuelle des gens qui, selon moi, est assurément l’une des causes du renforcement de cette loi linguistique tant décriée. Combien êtes-vous à régulièrement consommer des émissions télévisuelles franco-canadiennes, voire canadiennes tout court ? Je pense, sincèrement, que beaucoup préfèrent se rabattre sur les productions américaines de Netflix, HBO, etc. D’autres venteront les mérites de la culture anglo-saxonne, tout en diminuant les institutions francophones, par exemple le réseau de l’Université du Québec qui est souvent la proie des pires insultes. À ces derniers, vous méritez d’être récompensés par l’Académie de la carpette anglaise.

Le gouvernement a le dos large lorsqu’il est temps de trouver un coupable de l’état du français. Si celui-ci possède une part de responsabilité, tout comme les anglo-québécois, rien ne dédouane les franco-québécois de leurs fautes. Ils sont les premiers à blâmer, et ce, avant le gouvernement ou nos concitoyens anglophones. Si n’avons pas d’amour pour notre culture, n’exigeons pas des autres d’en avoir. La façon dont nous traitons nos langues est inacceptable. Le français n’est pas une vieillerie déglinguée et l’anglais n’a pas à être assimilé à un outil du quotidien. De mon point de vue, la langue de Shakespeare est largement plus que l’équivalent d’un tournevis.

Charles-Vincent Chevalier, citoyen

Articles récents du même sujet

Mon
Métro

Découvrez nos infolettres !

Le meilleur moyen de rester brancher sur les nouvelles de Montréal et votre quartier.