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Mon pâté de maisons

Les maisons shoebox font maintenant l'objet d'un règlement visant leur conservation dans Rosemont – La Petite-Patrie.
Une maison de type shoebox dans Rosemont–La-Petite-Patrie. Photo: Emmanuel Delacour
Joël Gagnon - Collaboration spéciale

Depuis près de 100 ans, mon pâté de maisons du quartier Villeray de Montréal se compose de 39 habitations abritant environ 80 familles. Ce sont des duplex qui ont traversé le temps sans histoire, sauf pour un «shoebox» qui fut converti en quadruplex il y a une décennie. 

Ces 80 foyers correspondaient probablement aux besoins en logements d’il y a cent ans. De nos jours, il en faudrait certainement des dizaines de plus pour répondre à la demande. La qualité de vie du quartier et les opportunités de la ville attirent beaucoup de monde. 

Cette incapacité à ajouter des logements n’est pas technique: il est généralement possible d’ajouter un étage ou plus aux édifices existants ou de rebâtir plus haut. Elle provient plutôt de règlements votés par la Ville de Montréal et l’arrondissement visant à figer le style et la hauteur des bâtiments afin de protéger leur valeur patrimoniale. Ces règles ne sont pas uniques à Villeray. Longueuil empêche depuis 2020 de convertir ses bungalows en multilogements et Rosemont empêche depuis 2019 la conversion de ses «shoeboxes» en plex. 

Ce genre de règlements privent nos villes de milliers de logis et ont des conséquences difficiles à exagérer. Le magazine The Economist mentionne qu’elles sont responsables d’une hausse de 25% du prix des maisons d’une région d’Angleterre. L’étalement urbain survient alors, on rase les forêts en banlieue, il en coûte des milliards en infrastructures et la navette des autos vers le centre-ville génère une quantité effarante de gaz à effet de serre. 

Les difficultés d’accès à la propriété ou à un logement à prix abordable ont également des conséquences socio-économiques importantes telles que le surendettement des ménages, les «rénovictions», ou les inégalités entre les générations. Les personnes marginalisées sont plus réceptives aux idées de partis politiques populistes et radicaux. Par exemple, les jeunes sont plus affectés par la problématique et se désintéressent des partis politiques traditionnels qui ne leurs offrent pas de solution. 

Les raisons qui poussent les villes à adopter ces règlements ne sont pas que patrimoniales. Les propriétaires résistent aux mesures augmentant la quantité d’appartements dans leur voisinage car une plus grande offre veut aussi dire des prix moins élevés. Identifier des responsables et mettre en place des solutions sont extrêmement complexes car les règles sont municipales et que les enjeux sont nationaux. 

Il est possible d’ajouter des logements dans un quartier tout en conservant ses attraits. Le quadruplex de mon pâté de maisons est aujourd’hui l’immeuble le plus joli de la rue. Six enfants y grandissent, dont la meilleure amie de ma fille de quatre ans. Personne dans le voisinage ne regrette le vieux shoebox.

Joël Gagnon, Citoyen du quartier Villeray, Montréal

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