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La contre-offensive de l’industrie pétrolière et gazière canadienne

GNL Québec
Le pipeline de GNL Québec. Photo: 123RF
Clément Fontaine - Journaliste indépendant et membre du Regroupement Des Universitaires

LETTRE OUVERTE – Plusieurs personnes s’étonnent que le projet Énergie Saguenay de GNL Québec fasse encore parler de lui malgré son rejet par le gouvernement caquiste en juillet dernier. Si les promoteurs ont demandé que le processus d’évaluation environnementale suive son cours au niveau fédéral, c’est qu’ils espèrent vraiment marquer des points, et ce malgré les objectifs plus ambitieux que le gouvernement fédéral a adoptés récemment en matière de lutte au réchauffement climatique.

En raison de la modification de la loi sur l’évaluation environnementale adoptée sous le gouvernement conservateur de Stephen Harper, les GES produits en amont (puits d’extraction de l’Ouest) et en aval (transport maritime) du complexe liquéfaction de GNL au Saguenay pourraient ne pas être pris pas pris en compte par l’Agence d’évaluation d’impact du Canada (AEIC). C’est d’ailleurs ce qui a failli se produire au niveau provincial pour le BAPE sur Énergie Saguenay.

Bien que le projet ne puisse se réaliser à cause du refus catégorique de François Legault, une décision favorable de l’AEIC aurait pour effet de redorer le blason du secteur pétrolier et gazier canadien. Elle contribuerait notamment à légitimer la construction en Colombie-Britannique d’un complexe de GNL (Woodside Energy) encore plus important que celui qui aurait vu le jour au Québec, et qui lui aussi vise la carboneutralité grâce à l’hydroélectricité. Un méga projet similaire, plus au Nord dans la même province, est toujours en cours d’évaluation.

Cette victoire morale ne manquerait pas de raviver au Québec le débat entourant l’exploitation et l’exportation du gaz naturel de schiste. La frustration est encore palpable parmi une grande partie de la population du Saguenay-Lac-Saint-Jean, incluant de nombreux travailleurs peu qualifiés qui espéraient améliorer rapidement leur sort grâce à l’avènement de GNL Québec.

Le jeu de la carotte et du bâton

La contre-offensive de l’industrie des hydrocarbures au pays s’exerce actuellement sur deux fronts. 

D’une part, elle intente des poursuites contre le gouvernement du Québec afin d’obtenir des compensations financières à la suite de la résiliation de permis de d’exploration et d’extraction de combustibles fossiles. Des sommes importantes ont déjà dû être versées pour l’abandon des projets de forage sur l’île Anticosti. D’autre part, les lobbyistes de l’industrie vantent auprès du gouvernement fédéral les mérites de nouveaux procédés de réduction de GES qui consistent à capturer le carbone à la source pour le stocker dans le sol en vue de sa réutilisation pour la fabrication de certains matériaux. Quelques projets pilotes en ce sens ont vu le jour ces dernières années.

Cette technologie n’a pas fait ses preuves à grande échelle et elle s’annonce extrêmement coûteuse. Les environnementalistes craignent que la facture soit refilée aux contribuables canadiens par le biais de subventions, de prêts sans intérêt et autres avantages fiscaux. Les centaines de millions de dollars que l’industrie des hydrocarbures a reçus lors des derniers exercices budgétaires risquent d’être transférés dans la colonne des fonds alloués à la transition énergétique. 

Or, les procédés de captation du carbone ne sont que des remèdes à court terme. Des soins palliatifs en l’occurrence, car ils tendent à favoriser le maintien d’un statu quo délétère. On ne le répétera jamais assez, la solution réside plutôt dans un virage majeur axé sur le développement des énergies renouvelables comme l’hydroélectricité, le solaire, l’éolien, la géothermie, la biomasse, le biogaz et, dans une certaine mesure, l’hydrogène vert – celui produit par électrolyse de l’eau, non à partir du gaz naturel.

Revoir nos valeurs et nos comportements 

Le succès de la transition s’appuie sur une autre condition essentielle que, malheureusement, beaucoup de gens refusent encore de reconnaître et, surtout, de mettre en pratique : un changement en profondeur de nos habitudes de consommation. Celui-ci implique de revoir notre modèle de développement axé sur la croissance continue.

Alors que les ressources de la planète s’épuisent, que la biodiversité s’appauvrit, que la multiplication des catastrophes naturelles s’accompagne d’une détérioration de la situation sanitaire à l’échelle mondiale, le credo de la croissance illimitée fait figure d’hérésie.

Les citoyens des pays développés comme le nôtre se sont longtemps servis des économies émergentes pour satisfaire à bon compte leurs besoins et leurs caprices matériels. C’est en toute connaissance de cause que nous avons pelleté nos GES dans les cours à charbon de la Chine, de l’Inde et autres contrées asiatiques.

Nous avons désormais l’obligation de donner un meilleur exemple en adoptant dans la mesure du possible – et même de l’impossible – un comportement écologiquement responsable.

Clément Fontaine
journaliste indépendant et membre du Regroupement Des Universitaire

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