Triste comme un raciste
CHRONIQUE – Miroir du martelage incessant de la propagande anti-migratoire, Richard Martel, député conservateur de Chicoutimi-Le Fjord, annonce refuser quelconque coup de main à toute personne de son comté arrivée par Roxham: «C’est des réfugiés illégaux, moi j’embarque pas là-dedans. On n’embarque pas là-dedans, c’est clair.»
Si l’ex-coach de hockey daignait s’informer au-delà de certains chroniqueurs, il saurait, sans trop forcer, l’inexistence du concept de «réfugié illégal» en droit international. Il apprendrait aussi, du même coup, que ces mêmes réfugiés de Roxham sont accueillis dès leur arrivée par des agents de la GRC, infirmières et autres responsables de la procédure à suivre afin d’assurer leur procédure de demandeurs d’asile – conforme à ce même droit humanitaire – laquelle demande sera ensuite évaluée par un commissaire nommé conformément à la… Loi. Comme «illégal», en bref, on aura vu pire. Ou mieux. C’est selon.
Un serviteur de l’État refusant l’idée même d’aider un ressortissant au motif de sa provenance? Voilà où nous en sommes. Reste à deviner la prochaine étape.
Et au-delà de l’ignorance honteuse de Monsieur le député, on décèle une néo-forme d’antipathie aux antipodes de l’humanisme primaire dans plusieurs discours ambiants.
La France, poster girl de l’intégration pour ces haineux, ne va guère mieux. Hier encore, condamnation confirmée par la Cour européenne des droits de l’Homme pour le détestateur en série Éric Zemmour. Le motif? Provocation à la discrimination et haine religieuse envers la communauté musulmane française.
Le même bougre dont le programme électoral prévoyait la déportation de France de… 5 millions d’hommes et femmes.
Ceci, s’entend, avec la complaisance ou les encouragements de CiNiouse et autres sbires du colonialiste Bolloré, déterminés à faire de la chaîne le haut-parleur par excellence de la propagande d’extrême droite.
À cet égard, la récente couverture de la Coupe du monde ne laisse aucun doute, même subreptice, sur les intentions du réseau-raciste. Sans mot dire sur l’exploit sportif alors accompli par le Maroc – premier pays africain à atteindre les demi-finales – la valse de chroniqueurs hargneux s’affaire plutôt à jouer, en boucle et à tue-tête, la cassette de leur plus grand succès: «RETOURNE DANS TON PAYS».
En quelques notes, triées sur le volet:
– Tous les voyous, et les délinquants et les racailles d’origine marocaine…
– Ils ne se sentent plus Français…
– Le symbole de la conquête par excellence…
– Tous les drapeaux maghrébins…
– Pourquoi il y avait des drapeaux algériens sur les Champs-Élysées?
– Les Marocains n’étaient pas minoritaires sur les Champs-Élysées!
– D’un fond de revanche colonial!
– Et pourtant, ils sont nés sur notre sol…
– Mais leur âme est ailleurs…
– D’une sorte d’appropriation visuelle…
– De remplacement populationnel…
– C’est une manière de se venger du colonisateur…
Suffit, maintenant. Pour la suite, c’est ici.
Ajoutons à ceci la légitimation progressive de la théorie du Grand remplacement – et variation sur thème – dans le narratif public, et nul besoin de la tête à Camus afin de saisir l’ampleur de ce qui se trame, ailleurs comme ici.
Reste, au-delà du réel, une question qui me tarabuste temps plein: qu’est-ce qui pousse un raciste à l’être?
Je ne parle pas de l’ignorance du xénophobe, en l’espèce, mais bien de haine assumée ou subconsciente.
Sait-il au moins les privations dont il s’oblige?
Les plaisirs d’un échange diversitaire avec l’Autre, découvertes fraternelles ou culinaires incluses?
L’effet lénifiant de la solidarité et de l’empathie hors nation?
Les joies de sentir que, malgré certaines différences, prédomine l’appartenance à une seule humanité?
Peut-il, au final, être fondamentalement heureux?
Pense pas, non.
Parce que triste.
Triste est le raciste.