Séparer travail et vie personnelle ne serait pas une bonne solution

Combien de fois a-t-on entendu dire que, pour atteindre un équilibre entre le travail et la vie personnelle, il fallait opérer une coupure franche entre les deux?
Ne pas ramener de soucis à la maison, en quelque sorte… Pourtant, une nouvelle étude américaine dit tout le contraire! Un groupe de chercheurs des universités de Saint-Louis et Ball State a découvert que le fait d’ériger un barrage entre le travail et la vie personnelle pouvait avoir des conséquences néfastes, notamment un sentiment d’épuisement entraînant une baisse de productivité.
Le phénomène s’explique ainsi: il est largement reconnu que la transition entre deux rôles est exigeante sur le plan cognitif pour l’individu, surtout lorsque ces rôles sont éloignés l’un de l’autre et fortement segmentés.
Ainsi, passer du rôle d’employé à celui de parent et vice versa demande un effort intellectuel pour se replonger chaque fois dans un nouvel ensemble de priorités. Si, en plus, on met en place des règles et des contraintes dans cette transition, en imposant une coupure, par exemple, on risque de compromettre la santé psychologique.
L’étude en question, réalisée sur une cohorte de 619 travailleurs rapportant 4371 transitions cognitives, avait pour but de mesurer l’impact de ces épisodes sur la performance au travail. Il a été observé que la transition travail-famille entraînait un sentiment d’épuisement se traduisant par une baisse de productivité.
Il a également été relevé que les gens qui n’effectuaient pas de séparation franche entre le travail et la vie personnelle ressentaient moins d’épuisement, et ce, même s’ils expérimentaient un plus grand nombre de transitions par jour.
Les chercheurs en concluent qu’il est préférable, pour un travailleur, de «miser sur l’intégration plutôt que la segmentation pour réduire le sentiment d’épuisement et maintenir un haut niveau de performance à long terme».
De bonnes nouvelles
«Je suis bien heureuse que ce sujet fasse l’objet d’une étude sérieuse, lance Anik Demers, conseillère en ressources humaines agréée et directrice RH et opérations chez Groupe SCE. L’équilibre n’est effectivement pas dans la coupure, mais dans la flexibilité!»
«Le fait d’imposer des règles et des contraintes dans la transition entre le travail et la famille ne fait qu’augmenter le stress et la culpabilité du travailleur. Les émotions embarquent, et on se doit de gérer ça en plus du reste…» –Anik Demers
La conseillère croit que la solution passe par une plus grande flexibilité des employeurs dans le choix des moyens offerts aux employés pour atteindre leurs objectifs de travail.
Évidemment, ça demande à l’employeur d’être à l’écoute: «Il n’y a pas de recette miracle, dit Anik Demers. Chaque employé est unique et a des besoins particuliers. L’un bénéficiera de l’horaire variable, l’autre de la semaine condensée ou du télétravail. Ce sont tous des accommodements susceptibles de faciliter la transition d’un rôle à l’autre.»
La part de l’employeur
Les employeurs sont-ils prêts à cela? «C’est vrai que le premier réflexe en matière de conciliation travail-famille, c’est de mettre des règles pour éviter les abus… Les employeurs ont de la difficulté à faire confiance à leurs employés», constate Anik Demers.
Il existe pourtant, poursuit la conseillère, des façons d’organiser le travail pour accorder un maximum d’autonomie aux employés tout en effectuant un suivi étroit des objectifs qu’ils ont à atteindre. Lorsqu’on met une mesure en place, rappelle Anik Demers, il y a trois principes à respecter: l’autonomie des employés, le sentiment de compétence et les bonnes relations entre collègues.