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Amplifie-t-on les pénuries de main-d’œuvre?

Photo: Métro

Les pénuries de main-d’œuvre sont réelles, mais les employeurs doivent se demander si leurs pratiques d’embauche les accentuent.

Les employeurs se plaignent souvent qu’ils ne réussissent pas à trouver les employés qu’ils recherchent. La Fédération des entreprises indépendantes annonçait récemment qu’un de ses membres québécois sur trois se plaignait de ne pas pouvoir trouver des travailleurs qualifiés. Un sondage de Statistique Canada indique quant à lui qu’un employeur canadien sur quatre expérimente des difficultés de recrutement.

Ces pénuries de main- d’oeuvre sont en partie causées par la faible fréquentation de certains programmes de formation. Dans le domaine de la fabrication, notamment, on manque d’employés qualifiés simplement parce que les programmes sont boudés par les jeunes. Comme on nous le rappelle souvent, notre démographie favorise aussi les pénuries. Puisque ceux qui arrivent sur le marché de l’emploi sont moins nombreux que ceux qui le quittent, les départs massifs qui s’annoncent dans certains secteurs créeront des difficultés bien évidentes quand viendra le temps de trouver de la relève.

Néanmoins, il est possible que les employeurs participent à la pénurie dont ils se plaignent tant. Certaines pratiques de recrutement peuvent accentuer le problème. L’importance accordée à l’expérience en est une. Pour le moindre poste, les employeurs demandent souvent plus de deux ou trois ans d’expérience. Cela a pour effet, évidemment, d’éliminer les nouveaux diplômés et rend difficile leur insertion.

Dans un contexte de pénurie, on s’attendrait exactement au comportement inverse. Les employeurs devraient s’y adapter en diminuant leurs exigences, quitte à s’assurer que, si un candidat manque de compétences importantes, elles soient acquises durant une période d’initiation.

Malheureusement, dans bien des entreprises, la période d’initiation n’est plus qu’un vague souvenir. Elle a disparu à la suite des nombreuses récessions des années passées. On s’attend aujourd’hui d’un nouvel employé qu’il soit efficace dès la première journée, un peu comme s’il avait toujours fait partie de l’entreprise. Cela conduit évidemment aux longues listes d’exigences qui caractérisent maintenant bien des postes annoncés. Elles sont la garantie qu’on n’aura pas à s’occuper du nouveau venu.

Finalement, la formation en entreprise est souvent insuffisante. Au lieu d’embaucher et de former de jeunes diplômés qui pourraient combler un poste ouvert avec juste un peu de formation, on essaiera plutôt de trouver une perle rare, le travailleur avec le «fit» parfait qui, on s’imagine, doit bien exister quelque part sur le marché. Lorsqu’on ne le trouve pas, on dénonce la pénurie de main-d’oeuvre au lieu de constater que le temps passé à chercher cette élusive perle rare aurait pu servir à améliorer les compétences d’un jeune candidat intéressant.

Il est même possible que, dans certains cas, changer ces pratiques à l’embauche pourraient réduire à néant la pénurie. Plusieurs se demandent si ce n’est pas le cas en informatique, où les candidats sont souvent refusés par manque de compétences qui pourraient être acquises en emploi.

Les employeurs excusent ces pratiques inefficaces en évoquant le climat d’affaires compétitif et les pressions constantes auxquelles ils sont soumis. Ils n’auraient pas le temps d’initier ou de former les jeunes travailleurs. Peut-être, mais, malheureusement, il faut parfois se demander à quel point on fait partie du problème plutôt que de la solution.

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