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Quand dire non au travail gratuit?

Young female entrepreneur working in a home office Photo: Métro
Maxime Bilodeau - 37e Avenue

«Ça va te donner une superbe visibilité!» Combien de travailleurs autonomes ont déjà entendu cette justification alors qu’on leur demandait d’offrir leurs services sans rémunération?

Chaque semaine, c’est immanquable, l’illustrateur Sébastien Thibault se fait offrir des propositions de collaboration non rémunérée. «Juste cette semaine, on m’a contacté pour me demander de soumettre gratuitement des esquisses!» s’exclame celui qui compte entre autres le Time, le New York Times et L’Actualité parmi ses clients.

Nombreux sont les designers graphiques, les journalistes indépendants et les travailleurs autonomes de tout acabit à qui on propose un peu de visibilité en échange de leurs services. Et les blogueurs ne sont pas épargnés par ce phénomène, raconte dans un billet incendiaire Ève Martel, blogueuse derrière le site Tellement Swell et directrice des contenus à l’agence Sid Lee. «Je ne suis pas la seule à recevoir ce type de sollicitation», constate-t-elle en racontant des anecdotes qu’ont vécues d’autres producteurs de contenu.

Les artistes, pourtant protégés par la Loi sur le statut de l’artiste, n’y échappent pas non plus. «C’est très répandu dans les domaines de la variété et de la chanson, où les demandes pour “venir faire deux tounes gratuitement” dans des festivals ou des boîtes à chansons sont monnaie courante», explique Sophie Prégent, présidente de l’Union des artistes.

Dans le milieu de l’illustration, le phénomène est tel que l’Association des illustrateurs et illustratrices du Québec a cru bon de spécifier sa position sur ce sujet dans son code d’éthique. «On ne devrait jamais demander à un artiste de travailler gratuitement en lui promettant des contrats rémunérateurs à l’avenir», peut-on lire à l’article 8.

Dérives
Si de telles offres ont effectivement leurs bons côtés en début de carrière, elles deviennent abusives au fur et à mesure que l’expérience professionnelle s’acquiert. «C’est normal de vouloir se bâtir un portfolio, mais dès qu’on est capable d’en vivre, on devrait commencer à refuser [les collaborations gratuites]», fait valoir Estelle Bachelard, mieux connue sous son nom de bédéiste Bach.

Même son de cloche du côté de Sébastien Thibault. «Lorsqu’on commence, je dirais que c’est un passage obligé», pense celui qui a bénéficié de ses premières collaborations auprès de magazines comme Urbania pour se faire connaître. «Par respect pour mes clients, mais aussi pour mes collègues, je ne fais presque plus de projets de ce type», explique celui qui les chiffre à «une dizaine par année, maximum».

Car, en plus de ne pas payer le loyer, ce type de collaboration heurte les conditions de travail de tout un milieu. «Accepter ce genre de proposition est une pente glissante, estime Sophie Prégent. Un cachet, même symbolique, est mieux que rien du tout. C’est une preuve de respect envers soi-même, mais aussi envers ses pairs.»

Selon elle, le besoin de tremplin qu’éprouvent de nombreux artistes est à l’origine du phénomène. «On s’attaque à leur talon d’Achille. On leur fait miroiter que sans promotion, ils ne seront rien, ce qui est faux.»

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