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«Zéro déchet» en 2022, ça veut dire quoi (pour vrai)? 

Florence-Léa Siry s'exprime sur le mouvement zéro déchet au Québec.
Photo: Métro

CHRONIQUE – Être zéro déchet, ça ne veut aujourd’hui certainement pas dire la même chose qu’en 2017. Le mouvement a énormément évolué depuis cinq ans, mais pas nécessairement pour le mieux… 

Le mouvement zéro déchet au Québec a connu son heure de gloire entre 2016 et 2019… Une période de trois ans où les mentalités étaient vouées à changer. J’avais d’ailleurs cofondé le premier Festival Zéro Déchet en Amérique du Nord avec 10 autres citoyens. On sentait un réel soulèvement citoyen où les individus étaient prêts à revoir leur consommation…  

Mais le problème, c’est que le mode de vie zéro déchet était trop restrictif. C’est Béa Johnson, la papesse du mouvement, qui l’a popularisé. Californienne d’origine française, elle a complètement changé son mode de vie après la crise financière de 2008. Devenue la superstar et icône des écologistes, elle faisait le tour du monde pour montrer à tout le monde qu’elle arrivait à ne jeter aucun déchet ou presque, que sa famille de quatre remplissait un seul bocal de verre de 500 ml par année… 

Béa Johnson et son petit pot de déchets annuels / Photo tirée de sa page Facebook Zero Waste Home

Si vous voulez mon avis, la surconsommation ou le zéro déchet radical, c’est le même problème: le piège de la performance.  

Et ce n’est pas du tout rassembleur. La privation amène à la radicalité et au jugement d’autrui.  

Pour l’anecdote, j’ai déjà été invitée par une personne qui se disait zéro déchet (parce que oui, elle se définissait par son mode de vie!). Ce soir-là, cette personne avait envie de manger du tofu. Eh bien, pouvez-vous croire qu’elle m’a demandé de repartir avec mon emballage pour ne pas le mettre dans sa minuscule poubelle?  

C’est à ce moment que j’ai compris que pour moi, réduire mon gaspillage alimentaire était plus important que de réduire mes déchets.  

Dans un premier temps, la mode était de se procurer plein d’accessoires zéro déchet pour acheter sa bonne conscience… Je suis moi-même tombée dans le panneau en devenant cette surconsommatrice très fière de pouvoir dépenser dans des objets et accessoires, dont je ne m’étais jusqu’ici jamais servi, qui promettaient de transformer mon quotidien. 

La clé, c’est d’abord de faire une analyse de ce qu’on jette le plus. Pour ma part, c’est les emballages alimentaires. Bien que je consomme en vrac, je vous mentirais si je vous disais que le vrac répond à tous mes besoins. La grande majorité, oui, mais pas tous, et pas à toutes les saisons. Par exemple, l’été, j’achète mes fruits et légumes au marché, sans emballage ou presque, et je vais remplir mes bocaux. L’hiver, c’est une autre histoire… Et quand je suis sur la route en tournée de conférences, je ne suis malheureusement pas en mesure de préparer mes lunchs pour plusieurs jours consécutifs.  

Puis j’ai tenté la sphère de l’hygiène. J’ai regretté d’avoir acheté des crèmes et déodorants bio, des oriculis ou cure-oreilles lavables, de la pâte à dents, des brosses à dents, des produits pour fabriquer moi-même des produits cosmétiques. La vérité, c’est que ça me faisait toujours du bien de consommer. Mais malgré mes bonnes intentions, j’ai réalisé que je gaspillais encore plus les matières premières…  

Alors j’ai eu besoin de prendre un peu de recul. J’avoue que j’ai même régressé! Mais j’en ai eu besoin pour déterminer mes limites et mes besoins.  

Je ne pensais jamais un jour adopter le bidet, les lingettes lavables, le rasoir de métal, les mouchoirs lavables… mais maintenant que j’ai fait la transition à mon rythme, je ne peux plus m’en passer.  

Et pour mes autres déchets? Eh bien, j’assume que je ne suis pas parfaite et qu’à moi seule, je ne pourrai pas changer les habitudes des grandes entreprises. Je choisis simplement de ne pas les encourager pour ne pas créer de la demande.  

Le désencombrement et la décroissance sont désormais accessibles à mes yeux. Un jour à la fois.  

Avec la pandémie, on a pu observer un recul effrayant. Je ne compte plus le nombre de personnes qui m’ont dit: «Hey, si les avions continuent de voler, vides, pour ne pas perdre leurs droits de vol, penses-tu que je vais sauver le monde en utilisant mon vélo pour faire trois coins de rue et en buvant dans des pailles de carton?»  

La morale de cette histoire? En 2022, le zéro déchet, ce n’est pas de refuser tous les déchets qui nous entourent ni de faire la morale aux gens qui achètent un bien de consommation emballé… Évidemment, le meilleur déchet, c’est celui qu’on ne fait pas… Mais il ne faut pas oublier que plus on transformera nos habitudes du quotidien, plus on se sensibilisera à faire autrement… Et c’est ainsi qu’ensemble, on va comprendre quels sont les changements qu’on veut en tant que société, et ce qu’on veut exiger des grandes corporations et des gouvernements.  

Et pour revenir au micro bocal de déchets qui fait le tour du monde… Je ne peux pas dire que je trouve cette démarche très cohérente. 

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