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Jonah Hill et la récupération malsaine du langage de thérapeute

Photo: Montage Métro

Les partages de conversation de la surfeuse et étudiante en droit Sarah Brady avec son ex petit-ami, le populaire comédien Jonah Hill, ont fait grandement réagir en début de semaine sur les réseaux sociaux. Ils ont mis la lumière sur un phénomène inquiétant : la récupération du langage des psychothérapeutes à des fins de contrôle toxique.  

Source de l’histoire : Sarah Brady, qui n’est plus en couple avec Jonah Hill, a partagé récemment des captures d’écran de ses échanges textos avec son ex.  

Dans le texto le plus frappant, Jonah énumère une liste d’actions potentielles qui dépasseraient ses «limites» si elles étaient commises par sa copine. Le hic, c’est que ces actions – surfer avec des hommes, mettre des photos d’elle en maillot sur les réseaux sociaux, etc. – sont inoffensives et traduisent bien plus ses insécurités et sa jalousie à lui que des comportements déplacés.  

Langage à double tranchant 

Par la formulation de ses messages, son insistance sur ses «limites» qui ressemblent plus à des règles, Jonah Hill s’approprie des éléments du vocabulaire théorique des sciences psychologiques pour les tourner à son avantage.  

L’utilisation de ces termes n’a en soi rien de mal, c’est même souvent bien, sauf quand il y a une intention de manipulation, de gaslighting, de chantage émotionnel, pour faire en sorte que l’autre se sente mal, comme dans ce cas, estime Kanica Saphan, professionnelle en sexologie et fondatrice du Sofa sexologique.  

Ces termes ainsi utilisés ont un effet pervers du fait qu’ils donnent un outil de plus aux manipulateurs selon elle. «Ça rend plus difficile de détecter les manipulateurs, les méchants, leurs intentions malicieuses, quand ils ont un discours émotionnel woke». 

L’experte insiste sur le fait que la personne qui reçoit ce type de langage ne doit pas juste s’arrêter aux mots, en se disant que l’autre a nécessairement raison s’il affirme mettre ses limites. «Il faut regarder à l’intérieur de soi et se demander si le ton avec lequel on nous parle est gentil ou pas. On peut demander à des gens autour de soi ce qu’ils en pensent aussi.» 

Une mauvaise utilisation du jargon thérapeutique?

Dans le cas de Jonah Hill, «il y a de la coercition évidente», commente Caroline Messier-Bellemare, sexologue et psychothérapeute spécialisée en relations de couple. Elle note une insécurité marquée chez Jonah Hill ainsi qu’une tentative d’induire de la honte chez sa partenaire, en plus de restreindre ses libertés. 

Le fait d’utiliser un langage propre à la thérapie est selon elle une tactique de manipulation qui peut faire beaucoup de tort. « Lorsqu’elle fonctionne, elle culpabilise les victimes et les garde dans un cycle de honte et de silence. C’est une forme de violence conjugale. » 

Pour elle, Jonah Hill ne comprend pas bien ce type de langage et l’utilise en l’interprétant à son avantage pour contrôler l’autre. 

L’experte donne ces conseils aux personnes tentées d’utiliser le jargon thérapeutique pour décrire leur ressenti : 

  1. Est-ce que je connais vraiment bien le terme que j’utilise? Suffisamment pour l’employer avec nuance et parcimonie? Ai-je assez de connaissances pour pouvoir me prononcer? 
  1. Mon explication vient-elle d’une légitime défense ou d’une tentative d’humilier ou d’intimider la personne à qui je parle ou sur qui je pose une étiquette? 
  1. Puis-je exprimer mon malaise sans employer des termes psychologiques, peut-être en nommant mes émotions de fond, comme la peur et la tristesse par exemple? 

« L’usage de termes théoriques pour dénoncer une situation est une arme à double tranchant : elle peut aider les gens à mieux comprendre, à mettre des mots sur ce qui se passe en eux. Par contre, il faut reconnaitre que la thérapie est elle aussi victime de l’air du temps : on tente de la résumer, de la vulgariser souvent au point d’en perdre les nuances et dès lors, on a tout faux », estime la psychothérapeute. 

Pour éviter de tomber dans ce piège, Caroline Messier Bellemare croit qu’il vaut mieux parler de soi et de ses ressentis avec ses propres mots, « ce qui demande plus de courage mais qui est beaucoup plus efficace pour apaiser les conflits », sans employer de termes étiquettes qui ne servent qu’à se défendre, et souvent à alimenter le conflit.  

Ainsi, elle pense que si Jonah Hill avait parlé avec son cœur, plutôt qu’avec ce langage emprunté, il aurait pu avouer ses enjeux de jalousie, d’insécurité, et ensemble, l’ex couple aurait vraiment pu travailler à améliorer sa relation. 

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