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Se fiancer sans se marier 

Se fiancer ne veut pas toujours dire se promettre en mariage. Photo: Métro

L’être aimé s’agenouille, sort la bague et se lance dans une déclaration d’amour. Cette scène connue se termine habituellement par le classique «veux-tu m’épouser?». Mais pas toujours. Pour certains couples, se fiancer n’est pas le chemin vers le mariage, c’est la destination. 

«Mon chum est très athée et ne croit pas vraiment au mariage. Mais il savait que j’avais eu le rêve de princesse de me marier et de descendre l’allée avec ma belle robe blanche», raconte à Métro Jennifer Martin, qui est fiancée depuis un an à son amoureux des deux dernières décennies.  

Leurs visions, qui semblent à première vue inconciliables, se sont finalement rejointes quand Jennifer a proposé à son conjoint qu’il lui offre une bague. «À mes yeux, la bague venait sceller notre amour, ça faisait comme un tout. Je le voyais comme un engagement qu’il était prêt à faire pour moi.»   

Les tourtereaux, qui sont parents d’un ado, ne sont pas les seuls à choisir de se fiancer sans avoir l’intention de se marier. Si Métro a pu entendre quelques témoignages semblables, aucune donnée ne permet de quantifier le nombre de couples qui choisissent cette voie.  

«Au Québec, on est les leaders mondiaux de l’union libre, souligne toutefois la sociologue Hélène Belleau. Ce sont 40% des gens de moins de 50 ans qui ne se marient plus. C’est le cas particulièrement des Canadiens français d’origine catholique.» 

Rêver de l’entre-deux 

Si peu de couples québécois choisissent le mariage de nos jours, se fiancer sans passer à la mairie ou devant le curé semble être une façon de démontrer son engagement envers l’autre. Et ça coûte beaucoup moins cher.  

C’est d’ailleurs l’un des arguments qui ont convaincu Jennifer. «On s’aime et on n’a pas besoin d’un gros party qui va nous coûter minimum 10 000$», lance-t-elle.   

Elle n’est pas la seule. Aux États-Unis, bien que le rapport au mariage soit plutôt différent, les raisons qu’invoquent les couples qui décident de se fiancer sans se marier sont assez semblables. Le mariage coûte trop cher et demande trop d’organisation, estiment-ils, ce qui paraît inutile dans un contexte où être marié n’est plus la norme et où les divorces abondent.  

«Le couple a évolué, il a changé, il s’est détraditionnalisé, note le sociologue Félix Dusseau. Avant, c’était simple: vous étiez célibataire ou vous étiez en couple et marié.» 

Se fiancer permet aussi de recevoir la déclaration d’amour publique ou de marquer la relation, en plus de se désigner par un nouveau terme, plus sérieux que «chum» ou «blonde» et moins légal que «conjoint.e» ou «partenaire».  

«Quand il m’a fiancée, ça m’a redonné une petite erre d’aller, confirme Jennifer. J’ai eu des étoiles dans les yeux pendant plusieurs semaines et encore aujourd’hui, quand je regarde ma bague, je suis contente.» 

«Peut-être que pour des gens, le fait de ne pas se marier, mais de s’engager quand même dans la relation est un moyen d’avoir des gages, des certitudes quant à la durée de la relation», avance également Félix Dusseau.  

Tension, attention 

Si se fiancer sans se marier rend des couples heureux, ça peut aussi nuire à la personne qui gagne le moins d’argent dans le couple, généralement la femme, alerte Hélène Belleau.  

«Ce sont 50% des couples en union libre au Québec qui pensent que le fait d’être en union libre est équivalent au fait d’être marié quand on se sépare ou au décès d’une personne, souligne la professeure à l’INRS. Malheureusement, les statistiques montrent très clairement que quand un couple [hétérosexuel] a des enfants, les femmes réduisent leur temps de travail et les hommes l’augmentent. Les écarts se creusent.» 

La sociologue, qui s’inscrit dans le courant de pensée qui conçoit le mariage comme féministe, prévient qu’un contrat de vie commune (signé par un maigre 5% des couples québécois en union libre) n’offre pas la même protection que le mariage. De plus, ces contrats peuvent être contestés.  

Pour assurer ses arrières, il faut, dit-elle, avoir son nom sur tous les avoirs du couple, de la maison aux fonds de placement. Et il faudrait que le Québec, à l’instar des autres provinces, se dote d’un cadre juridique concernant les unions libres.  

Hélène Belleau a à cœur que les gens comprennent ce dans quoi ils s’engagent (ou ne s’engagent pas!), mais il faut reconnaître que c’est rarement pour des raisons légales que les couples décident de se marier, et que le cadre juridique applicable en cas de rupture n’est pas nécessairement au centre de leurs préoccupations. 

«L’amour reste une norme structurante dans notre société, croit Félix Dusseau. L’amour se porte très bien, les gens s’aiment. Mais les modalités changent.» 

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