Les mannequins «taille plus» sont-elles là pour rester?
Les mannequins «taille plus» sont-elles là pour rester? Cinq mois après le boum qui les a propulsées à l’avant-scène à la Semaine de mode de Londres, des gens de l’industrie évaluent ce qu’il faudra pour les garder sur les podiums.
Septembre 2009. Des mannequins tout en seins et en hanches défilent sur la passerelle pour présenter la collection de Mark Fast. La réaction des médias et du public est forte et immédiate. Le même mois, de l’autre côté de l’Atlantique, Glamour publie la photo d’une femme ronde nue dans le cadre d’un reportage santé-beauté.
Les femmes du monde entier ont réagi comme si on leur avait offert un brownie après des années de régime strict. Elles étaient démesurément reconnaissantes pour la mise au rancart des standards de minceur extrême, au profit de silhouettes qui leur ressemblent davantage. «Je pense que la question du poids est un sujet de conversation depuis un bon moment dans l’industrie, croit Hayley Atwell, la mannequin de taille plus qui a inspiré Fast. Cela dit, c’est vraiment à la Semaine de mode de Londres de septembre que le sujet a vraiment frappé. On ne pouvait plus l’éviter, c’était sur toutes les lèvres.»
Elle a rencontré le de-signer lors d’une séance photo pour i-D. Celui-ci a tellement aimé comment ses courbes mettaient en valeur ses robes de tricot qu’il l’a engagée – avec d’autres femmes ayant un corps similaire – pour son défilé.
Engouement
Depuis le mois de septembre, celui qui dirige la division Ford + de l’agence de mannequins Ford Models, Gary Dakin, a reçu beaucoup plus de demandes que d’habitude. «Nous avions déjà constaté des pics d’intérêt, note-t-il, mais cette année a été de loin la meilleure.» Alors que nous constatons la popularité grandissante des mannequins de «taille plus», plusieurs spécialistes se demandent quelle sorte de changement cela apportera et ce qu’il faudra pour que cela dure.
Pour une industrie qui vit de nouveautés, la mode a toujours été lente à intégrer certains changements sociaux (à moins que cela ne permette des profits). Mais la réaction de l’industrie au débat entourant les mannequins de «taille plus» ne pourrait avoir été plus surprenante?: soudainement, les campagnes publicitaires et les événements ont commencé à proposer de vrais corps.
V Magazine, véritable bastion de la coolitude, est même allé jusqu’à consacrer son édition de janvier au débat. Pendant ce temps, la vedette du numéro, Crystal Renn, a atteint un niveau de popularité qui dépasse celui de plusieurs collègues de taille 0.
M. Dakin, aussi l’agent de la mannequin, pense que le terme «taille plus» est l’un des facteurs qui empêchent des femmes comme Renn et Atwell d’avoir plus de travail. «Nous devons nous débarrasser de cette étiquette, dit-il. Les femmes de taille 16 ne se voient pas nécessairement dans la même catégorie que celles de taille 28. Si nous éliminons cette étiquette, le problème est résolu.»
La manière dont le monde de la mode définit les tailles plus est toujours une source de frustrations pour les femmes. «C’est incroyable que plusieurs de mes mannequins soient même considérées comme étant « taille plus »», s’étonne l’agente d’Atwell, Sarah Watkinson, présidente de l’agence londonienne 12 + UK. Ses mannequins portent la taille 12 UK (10 ans US), soit deux tailles plus petit que la femme moyenne. «De nombreuses femmes regardent mes filles et pensent qu’elles aimeraient quand même avoir leur corps», fait-elle valoir.
Mme Watkinson rêve du jour où les magazines choisiront une plus grande variété de mannequins, sans toutefois les étiqueter «taille plus». Cela n’arrivera sans doute pas bientôt. «Le changement doit être graduel et ne pas être un feu de paille», met en garde M. Dakin.
Plusieurs estiment que le plus gros problème est la taille des vêtements. Les designers ne créent pas d’échantillons qui vont à des corps plus gros, ce qui empêche les femmes ayant des courbes de servir de modèles.
Selon Mark Fast, ce problème est plus facile à résoudre qu’on le croit. «Les consommatrices ont plus de pouvoir qu’elles ne le pensent, révèle-t-il. C’est leur argent qui mène les ventes et garde l’industrie en vie.» De nombreuses femmes sont de taille 12 et plus. C’est beaucoup d’argent.