CHSLD Herron: aucun dépistage massif des résidents avant le 11 avril
Est-ce qu’un dépistage massif dès les premiers jours de l’éclosion survenue au CHSLD Herron aurait pu changer le cours des choses pour certains des 47 résidents décédés au printemps 2020 dans l’établissement privé? À l’enquête publique, mardi après-midi, la coroner Géhane Kamel a laissé entendre que oui.
Plusieurs lacunes en matière de prévention des infections ont été observées au CHSLD Herron à la fois par une conseillère envoyée par le CIUSSS de l’Ouest-de-l’Île-de-Montréal le 30 mars et par une de ses supérieurs, Nathalie Pigeon, quelques jours plus tard, le 4 avril.
Parmi leurs constats, on retrouve notamment le non-respect de la distanciation sociale dans l’une des unités, l’absence de matériel de protection, le manque de formation des employés à différents niveaux ainsi que l’absence de tests de dépistage de la COVID-19 sur place.
Si elles ont toutes deux formulé plusieurs recommandations pour pallier les manquements soulevés, ni l’employée ni la cadre n’ont recommandé le dépistage massif des résidents.
Cela a surpris la coroner qui préside l’enquête nationale sur les CHSLD, Me Géhane Kamel.
«Pas nécessaire» de dépister massivement?
Selon la conseillère-cadre en prévention des infections au CIUSSS de l’Ouest-de-l’Île-de-Montréal, Nathalie Pigeon, il n’était «pas nécessaire» de faire de dépistage massif avant le 11 avril.
«Au 4 avril, il n’y avait pas l’indication de faire de dépistage considérant la situation épidémiologique, a affirmé Mme Pigeon. Dans une gestion d’éclosion d’influenza, après X nombre de positifs, on considère que les personnes qui développent des symptômes s’apparentant à la maladie, on n’a pas besoin de les dépister.»
Rappelons qu’à l’époque, seules les personnes symptomatiques étaient testées au Québec. On venait à peine de découvrir que celles asymptomatiques pouvaient être des vecteurs de la maladie.
Considérant que la priorité était plutôt dans les soins de base des résidents, le dépistage a été mis de côté pour un moment avant d’être «séquencé» pour faciliter la gestion des écouvillons, a ajouté la témoin.
Manière de faire différente ailleurs
Pourtant, la coroner Kamel a souligné que des dépistages massifs avaient été faits ailleurs au Québec «indépendamment de la disponibilité ou non des écouvillons».
«Est-ce qu’on a traité [Herron] de manière autre que les autres endroits? Je ne le sais pas. Peut-être qu’au CIUSSS de l’Ouest-de-l’Île, ça ne s’est pas fait, mais vous avez des CIUSSS voisins qui l’ont fait, le dépistage massif», a-t-elle déclaré.
«Et qui ont attribué leur succès à ce dépistage-là», a ajouté pour sa part celui qui assiste Me Kamel tout au long de cette enquête, Dr Jacques Ramsay.
Québec Solidaire réagit à l’enquête
Depuis maintenant deux semaines, les témoins défilent à la barre devant la coroner Kamel. Des révélations sur la qualité des soins offerts aux résidents et le traitement des dépouilles au printemps 2020 en ont troublé plus d’un.
Si à leur arrivée sur place le 29 mars, des cadres du CIUSSS ont fait état d’une «situation critique», la version d’une gestionnaire du CHSLD privé diffère sur cet aspect.
À ce sujet, le député de Québec solidaire responsable du dossier des aînés et des proches aidants, Sol Zanetti, souligne que chaque nouvel élément amené par un témoin «ajoute une couche à l’horreur vécue par les résidents».
Selon l’élu, ce qui est arrivé dans l’établissement privé aurait pu être évité. «Depuis l’an 2000, 17 rapports sur les conditions de vie des aînés ont été tablettés par les différents gouvernements. Ils sonnaient tous l’alarme et les personnes au pouvoir ont décidé de l’ignorer. Ce n’est pas arrivé juste à cause de la pandémie. Ce drame, on le doit aussi et surtout aux années libérales et à la négligence des gouvernements précédents», a déclaré M. Zanetti.
Le Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP) a déjà annoncé qu’il ne déposerait pas d’accusations dans ce dossier.
La propriétaire du CHSLD au printemps 2020, Samantha Chowieri, témoignera devant la coroner mercredi au palais de justice de Longueuil. L’ex-directeur général de l’établissement, Andrei Stanica, poursuivra aussi son témoignage mercredi matin.