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Santé mentale: des intervenants du milieu communautaire se confient

Photo: Archives Métro

À quelques semaines de leur énième mouvement de contestation, des intervenants en milieu communautaire de l’est de Montréal se sont confiés sur leur santé mentale. Un enjeu vital trop peu abordé selon eux, et qui pèse lourdement sur leur travail au quotidien.

«Nous sommes le filet social des familles. Nous sommes confrontés à leur détresse chaque jour. Dans quel état pensez-vous que nous sommes en rentrant chez nous?», lance Dominique Lequin, intervenant psychosocial au Centre jeunesse emploi de Rivière-des-Prairies (CJE RDP).

Le journal Métro a rencontré plus d’une vingtaine d’intervenants jeunesse de Rivière-des-Prairies comme lui, qui disent vivre sensiblement les mêmes états d’âmes.

Durant ces deux dernières années de pandémie, la réalité sur le terrain les a rattrapés et a lourdement affecté leur santé mentale.

On ne se donne pas le droit d’aller mal

Marie-Louise – Intervenante au Centre de promotion communautaire Le Phare de Rivière-des-Prairies.

Ils se disent épuisés, impuissants, démunis, ne sachant plus quoi répondre face à la détresse et l’insécurité vécue par les citoyens qu’ils rencontrent.

Marie Josée Pellerin, directrice de l’organisme Répit une heure pour moi de Pointe-aux-Trembles, confirme cette crise de santé mentale chez ses employés. «Il y a beaucoup d’incertitude et d’anxiété chez les intervenants qui œuvrent sur le terrain, c’est flagrant», dit-elle.

Pierreson Vaval, directeur d’Équipe RDP, parle «d’un mauvais film qui était dans les archives et que l’on voit réapparaître».

Burt, qui travaille depuis plus de 15 ans sur le terrain, explique être «son propre outil de travail». «Si notre santé mentale n’est pas bonne, comment effectuons-nous correctement notre travail?», se questionne-t-il.

Solidarité

Yanick Galan, directrice du Centre de promotion communautaire Le Phare, parle de «perte de sens et d’humanité». «C’est épuisant de répondre à toutes les demandes, on s’en oublie parfois», laisse-t-elle tomber.

L’insécurité, le stress, l’anxiété des familles nous a atteint aussi. Nous avons besoin d’une aide extérieure

Florence – Intervenante familles depuis 23 ans

Le monde communautaire a ainsi uni ses forces comme seul rempart face à ses maux quotidien. Des cellules ont été ouvertes et des espaces de discussions ont été mis à la disposition des intervenants.

«La solidarité, c’est ce qui fait notre force. Ces espaces nous ont permis de ventiler», partage Julie, coordinatrice des projets et activités au sein du même organisme et intervenante depuis 15 ans. «Le soutien entre nous a été important, mais cela nous a demandé aussi beaucoup d’énergie», dit-elle.

De son côté, la psychologue Caroline Baret appuie ces initiatives et pense qu’il s’agit de la meilleure des réponses à l’anxiété et au stress. «Ces lieux de partage sont bons pour briser l’isolement et ventiler», soutient-elle.

Démunis de solution

L’un des sentiments qui remonte du terrain est aussi le manque de solution à fournir aux familles et personnes en détresse que les intervenants rencontrent.

À Rivière-des-Prairies en particulier, la montée de la violence par armes à feu est venue exacerber le sentiment d’insécurité, le stress et l’anxiété chez les riverains, selon plusieurs des témoignages recueillis.

Charlotte, intervenante en famille, fait face à toutes sortes de formes de détresse psychologique chez les familles qu’elle croise.

«Un jeune m’a confié avoir des idées suicidaires. J’étais démunie de solutions tellement le manque de soutien des institutions est énorme», relate la jeune intervenante.

On doit se résigner à faire ce qu’on peut

Julie – Intervenante depuis 15 ans au Centre de promotion communautaire Le Phare de Rivière-des-Prairies.

La demande d’aide des familles est «énorme» et certains des intervenants partagent un sentiment «d’impuissance» face à la détresse de certaines d’entre elles.

Un récente étude du Regroupement des organismes communautaires famille de Montréal (ROCFM), tenue durant les six premiers mois de la pandémie, met en avant l’impact de la situation sanitaire sur la santé mentale des travailleuses des OCF. Il y est question «d’épuisement physique, psychologique, de perte de repères et du sens du travail».

Certaines travailleuses témoignent avoir moins de patience dans les interventions et souffrir parfois d’épuisement mental et de baisse de motivation.

Plus de reconnaissance

Les intervenants rencontrés affirment de façon unanime qu’ils sont à bout de force et épuisés de voir que leur travail manque toujours autant de reconnaissance.

«Notre métier n’est pas reconnu au sens professionnel de la chose; ce n’est pas uniquement du bénévolat, le communautaire», lance Marie-Line Audet, directrice générale de la Table nationale des corporations de développement communautaire (TNCDC).

Un avis partagé par Yanick Galan qui réclame comme tant d’autres, plus de financement régulier par mission.

La surcharge de travail venant des institutions gouvernementales ne peut désormais plus être assumer par le communautaire. «Nous sommes dans la réponse aux besoins, nous n’avons plus le temps d’accepter toutes les demandes», lance la directrice du Centre de prévention communautaire Le Phare.

Julie parle quant à elle d’un sentiment de culpabilité de ne pas pouvoir suffisamment prendre en charge les familles en raison des nombreuses sollicitations du CIUSSS, de la DPJ, etc.

NDLR: Des prénoms ont été changés dans le but de préserver l’anonymat de certains des intervenants.

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