L’épopée migratoire de la famille Nkunga Mbala
Pour assurer la survie de sa famille, Peggy Nkunga Ndona a dû quitter le Congo avec son mari et ses enfants, en 2018. Installée à Verdun depuis bientôt quatre ans, la famille Nkunga Mbala a vu sa demande d’asile être refusée en juin dernier par la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada (CISR). Peggy, son mari et leurs trois enfants sont menacés de devoir quitter le pays. Récit d’une épopée migratoire aussi déchirante que pleine d’espoir.
Peggy Nkunga Ndona est éducatrice à la garderie les Petits Joyeux à Verdun depuis trois ans.
Son mari Simon Mbala Kapela travaille dans une manufacture.
Ensemble, ils ont trois enfants: Adoration, huit ans, Consolation Sophie, six ans, et le petit Benjamin, trois ans.
Le 8 juin dernier, après des années de démarche pour une demande d’asile, Peggy et sa famille ont été déboutées par la CISR: leur demande d’asile est refusée.
«C’est le choc», se remémore Peggy Nkunga Ndona.
Il fallait tout de suite se relever et regarder nos options. Il n’était pas question qu’on retourne au Brésil. C’était totalement inconcevable.
Peggy Nkunga Ndona
Du Congo au Brésil
En août 2018, la famille Nkunga Mbala a dû quitter le Congo pour assurer sa sécurité. Pour espérer atteindre le Canada, un passage vers le Brésil était essentiel. «Passer du Congo au Canada directement, c’est quasi impossible. Le visa coûte extrêmement cher. Notre plan était clair: aller au Brésil pour pouvoir se rendre au Canada, notre pays de cœur», explique Peggy.
C’est d’ailleurs au Brésil qu’elle a donné naissance à sa fille Adoration Sophie, deux années auparavant, en 2016. De retour au Congo en 2017, c’est là que «tout s’est mis à mal aller». «Mon mari a filmé une marche et ça a déboulé. Il fallait quitter [le pays] au plus vite.»
En 2018, à son retour au Brésil, la famille Nkunga Mbala vivait dans une favela, des bidonvilles où règnent violence et criminalité. «Les inégalités sont très grandes là-bas, on ne sait jamais ce qui va arriver le lendemain. Vous savez, être noir au Brésil, ce n’est pas bon du tout. Il y a beaucoup de stigmatisation […] C’était traumatisant, avec la peur au ventre.»
Et en plus de la peur, Peggy avait autre chose au ventre, son fils Benjamin. C’est enceinte de son troisième enfant que Peggy Nkunga Ndona et sa famille entreprirent la longue et pénible route du Brésil vers le Canada, en août 2018.
«La route de la mort»
La route migratoire du Brésil vers le Canada est bien connue, et empruntée par des milliers de réfugiés en provenance majoritairement d’Afrique, d’Asie, d’Amérique du Sud et des Antilles.
Comme son surnom «la route de la mort» le laisse entendre, ce trajet de plus de 20 000 kilomètres a déjà coûté beaucoup trop de vies.
«On prend des bus, on marche, on prend des bateaux, des bateaux de fortune. On faisait ça et on avait deux enfants avec nous, et j’étais enceinte de mon troisième. On a fait ça d’août à octobre 2018», précise-t-elle.
J’ai critiqué cette route, je savais que ce n’était pas idéal, mais nous n’avions pas le choix. Il fallait y aller. Comme nous sommes chrétiens, nous avons prié et nous nous sommes rappelé que nous faisions ça pour nos enfants.
Peggy Nkunga Ndona
C’est sains et saufs qu’ils arrivent au Canada en octobre 2018. Quelques mois plus tard, Peggy donne naissance à Benjamin en sol canadien.
Un film de famille
En avril 2020, la réalisatrice Émilie Beaulieu-Guérette contacte Peggy pour lui proposer une idée de documentaire sur l’histoire de sa famille et le processus d’immigration. Peggy accepte et devient coréalisatrice du projet.
«C’est un film de famille. On est dans la famille pendant presque deux ans. On vit avec eux des moments parfois très tristes et parfois des moments de grande joie. Ça a demandé extrêmement de générosité de leur part», indique Émilie, maintenant amie de Peggy.
«Ça a cliqué tout de suite. Il y a eu une connexion», explique la cinéaste, qui s’intéresse aux questions de justice sociale et de migration.
Le tournage s’est échelonné sur deux ans, et l’équipe de a eu accès pendant cette période à toutes les audiences de la famille Nkunga Mbala à la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada. Une première en 20 ans.
«Ce sont des audiences qui, habituellement, se tiennent à huis clos. […] On a eu la chance de filmer tout ce processus du début jusqu’à la fin, le 8 juin, le jour de la réponse négative», poursuit Émilie Beaulieu-Guérette.
«Ce qui a bloqué dans leur dossier, c’est que la demande d’asile, ça ne tient pas compte du côté humanitaire et de l’intégration. Le droit d’asile, c’est: est-ce qu’il y a un risque de persécution dans ton pays et est-ce que le Canada est le seul pays où tu peux aller? Dans leur cas, ils avaient un statut au Brésil et, selon le commissaire, le Brésil est un pays théoriquement sécuritaire», explique la documentariste.
Suite à la demande d’asile refusée, la famille Nkunga Mbala fera appel de la décision de la CISR, mais les frais juridiques demeurent extrêmement élevés, encore à ce jour.
La communauté verdunoise se mobilise
Alors que l’histoire de la famille Nkunga Mbala s’ébruitait à Verdun, la communauté a décidé de lui venir en aide. Des organismes ont meublé la maison de la famille et des gens du quartier ont offert des cartes-cadeaux pour l’épicerie.
«Je suis tombée dans une mine d’or, d’amour, de gratitude, de sincérité. Il n’y a pas de mots. Il n’y a pas de mots pour décrire ce que je vis ici», mentionne Peggy Nkunga Ndona, les yeux brillants.
Durant les prochains mois, Peggy et sa famille poursuivront leur combat pour rester chez eux, ici à Verdun. Malgré toutes les embûches qui se sont dressées devant elle, dont la demande d’asile refusée,Peggy se tient toujours debout et compte poursuivre sa route.
«Il n’appartient pas à celui qui marche de diriger son pas. Il faut rester positif, sinon on devient malade», conclut-elle.