Se libérer du silence: une nouvelle technologie pour Magalie
Magalie, 10 ans, est née avec le syndrome de Treacher-Collins, qui lui a occasionné une perte auditive significative. C’est toutefois à titre de pionnière qu’elle sort du lot – elle a été la première personne au Québec à se faire poser un implant auditif fixé par un aimant au lieu d’une vis en titane.
C’est le Dr Sam Daniel, chef du service d’oto-rhino-laryngologie et de chirurgie cervico-faciale de l’Hôpital de Montréal pour enfants (HME) qui a opéré Magalie. La chirurgie a eu lieu en décembre 2020, en pleine période de délestage dans les hôpitaux en raison de la pandémie de la COVID-19.
Magalie est une «oubliée du système», selon le Dr Daniel, expression qu’il emploie pour désigner ceux et celles dont le nerf auditif, qui sert à acheminer le signal jusqu’au cerveau, est fonctionnel, mais qui ont tout de même des problèmes d’audition puisque l’accès au nerf est obstrué.
«Ils n’entendent pas non pas parce que l’oreille ne fonctionne plus, mais parce que le son ne se rend pas», vulgarise l’oto-rhino-laryngologiste.
« Oubliés », puisqu’ils sont les parents pauvres de la recherche et du financement en matière de troubles auditifs.
C’est la même souffrance [que ceux dont le nerf auditif est dysfonctionnel]
Le Dr Sam Daniel, chef du service d’oto-rhino-laryngologie et de chirurgie cervico-faciale de l’Hôpital de Montréal pour enfants (HME)
Dans le cas de la jeune fille, c’est un conduit auditif trop petit qui cause les difficultés d’audition, le syndrome de Treacher-Collins affectant le développement des os et des tissus du visage.
Les patients comme elle nécessitent un implant différent, dit à «ancrage osseux». Les sons captés par l’implant sont conduits jusqu’au nerf en passant à travers les os, contournant ainsi le conduit auditif obstrué.
L’implant OSIA, qui permet à Magalie d’entendre, comporte deux composantes. La première, un capteur externe, situé sur la peau derrière l’oreille, reçoit les ondes sonores ambiantes. Ce capteur est fixé magnétiquement par un aimant sous-cutané, deuxième composante, qui est inséré à l’intérieur de la peau lors d’une chirurgie peu invasive. Le fait que cette composante soit sous-cutanée permet de réduire significativement les risques d’infection et d’irritation.
En quête d’une solution de rechange
En 2018, le Dr Daniel avait opéré Magalie pour insérer un implant ancré par une vis en titane. Le corps de la jeune fille a toutefois rejeté l’implant moins de deux ans plus tard, durant l’été 2020.
Il fallait donc innover pour que Magalie retrouve son ouïe.
Magalie et sa famille ont dû faire preuve de courage en outrepassant leurs appréhensions initiales, compréhensibles en raison de la nouveauté de l’intervention.
Chrystelle Campagna, mère de la jeune fille, s’est énormément renseignée avant d’aller de l’avant, notamment sur un groupe Facebook basé aux États-Unis: «On ne savait pas trop, on n’avait pas de référence ici. Après en avoir parlé avec beaucoup de gens, notre choix était vraiment facile […] il n’y avait que du positif, aucun négatif», explique-t-elle.
Déterminée à ce que d’autres n’expérimentent pas la même difficulté d’accès à l’information, Mme Campagna est devenue administratrice d’un groupe Facebook, «Différences crânio-faciales au Québec», où tous peuvent s’entraider et se poser des questions. «C’est une belle communauté, sans jugement», ajoute-t-elle.
Bien que le Dr Daniel soit le premier à avoir effectué une telle chirurgie au Québec, il ne souhaite surtout pas être le seul.
Il va continuer à se battre contre le sous-financement chronique et d’autres obstacles institutionnels dont sont victimes les patients comme Magalie. «C’est un combat de longue haleine», explique-t-il, plaidant pour qu’on diffuse les innovations et qu’on fasse tomber les barrières d’accès au soin. «L’important pour moi, c’est de souligner Magalie et son courage. Elle ne s’est jamais arrêtée devant les obstacles», conclut le médecin spécialiste.