Pêche blanche à haut risque
« Moi je pêche été comme hiver, je suis un véritable mordu », explique Jean-Philippe. Dans une chaudière en plastique, il transporte une série de brimbales. Pour faire des trous dans la glace, il tient une tarière de taille impressionnante. « Je ramène rarement chez nous les poissons que je prends, le plus souvent je les rejette dans la rivière », explique-t-il.
Le spectacle des pêcheurs rassemblés est saisissant dans le décor urbain. On les remarque facilement regroupés sur le bassin, en entrant sur l’île de Montréal par le pont Papineau-Leblanc. Ils disposent leurs brimbales sur les trous comme on poserait des pièges et attendent patiemment que le poisson morde. Ils usent aussi de cannes à pêche « pour ressentir le poisson quand il est attrapé », révèle Jean-Philippe.
Le site appartient à Hydro-Québec. Il est alimenté par deux pertuis qui acheminent l’eau de la rivière au bassin à travers le barrage Simon-Sicard. Selon les connaisseurs, l’important remous qui se produit à l’embouchure de ces ouvertures, même sous la glace, assomme un peu les petits poissons. Ceux-ci deviennent des proies faciles pour les espèces plus grosses qui viennent frayer dans le coin et se font ainsi hameçonner.
Eaux traîtresses
Hydro-Québec interdit la pêche et toute activité nautique dans le bassin. En 2004, une enquête du coroner avait recommandé la fermeture du site au public après le décès par noyade d’un homme d’une quarantaine d’années. Il a fallu près d’une semaine pour retrouver son corps.
Des barrières ont été érigées et de nombreux panneaux ont été installés pour signaler les interdictions. Apparemment, rien ne semble dissuader ces passionnés téméraires.
Au moment où Jean-Philippe livre ses explications, la rivière des Prairies est sous surveillance. À l’arrondissement, on indique que le niveau de la rivière est observé de façon quotidienne, et ce, tant que la situation l’exigera. Les alertes et le passage du brise-glace non loin du bassin ne semblent pourtant pas inquiéter les pêcheurs outre mesure. En plus des inondations, les hausses de températures et la pluie rendent la surface glissante et réduisent l’épaisseur de la surface gelée.
« Pour le moment, tout semble correct. Il est vrai que si cela continue, on ne pourra plus s’aventurer dessus », indique-t-il.
« Les pêcheurs savent s’autoréguler, explique Benoit Amyot, commandant du poste de quartier 27. Ils creusent deux ou trois trous pour vérifier l’épaisseur de la glace avant de marcher dessus. » Il indique qu’il n’y a pas eu d’appels pour des pêcheurs ni pour des gens qui se seraient aventurés sur la glace. « Bien entendu, si nous recevons un appel à ce sujet, il est clair que nous irions voir les pêcheurs et communiquer avec eux », affirme-t-il.
La surface glacée doit dépasser les quatre pouces de hauteur – c’est-à-dire plus de 10 centimètres – pour être praticable. Pour Jean-Philippe, il y a facilement 45 cm de glace sur le bassin.
Pourtant sous la glace, l’eau bouge de manière angoissante. Il suffit pour s’en convaincre d’écouter les plaques de glaces qui s’entrechoquent à la surface. Vraisemblablement, les amateurs de perchaudes n’entendent que l’appel de leur passion.