Regarde la vie avec les yeux du coeur
Une coiffeuse de LaSalle a tout fait pour guérir de sa rétinite pigmentaire, une maladie dégénérative qui mène à la cécité. Mais 24 ans plus tard et quelque 185 000$ investis dans des traitements expérimentaux, Élaine Primeau doit maintenant accepter son sort, celui de se refaire une nouvelle vie, sans voir.
C’est à 23 ans qu’elle a reçu le diagnostic. «Je n’y croyais pas. J’ai essayé l’acupuncture, le reiki, les herbes chinoises et l’hypnose, explique Mme Primeau. C’était mon petit rongeur en-dedans de moi, qui me grugeait le cœur, l’âme et le bonheur. Ça me grugeait la vue, ça me grugeait la vie».
Refusant son sort, elle se renseigne en ligne et dans différents magazines. Elle y trouve notamment un traitement en Russie qui s’est plutôt avéré un cauchemar.
«J’ai reçu une quarantaine d’injections souffrantes qui m’ont traumatisée. Même si ça me faisait mal et que j’étais à l’autre bout du monde, j’étais prête à tout pour ne pas perdre la vue.»
Cette souffrance a été vaine. Sa vue ne cesse de baisser.
Traitement miracle
L’espoir renaît en 2007, alors qu’elle est âgée de 38 ans. Mme Primeau contacte un médecin du Texas qui lui propose un traitement miracle. Des implants de cellules souches provenant de cordon ombilical seraient insérés dans ses tempes.
«Ça devait régénérer mon nerf optique. Il m’a dit de commencer à magasiner ma voiture. Je capotais», dit-elle.
Mme Primeau était prête à n’importe quoi. Elle engage donc une dépense de 15 000$ pour un traitement d’environ une heure, en plus de tous les frais du voyage.
«L’espoir est un couteau à deux tranchants. On veut guérir à tout prix et le médecin texan m’a beurrée bien épais», se souvient-elle.
L’effet de la greffe devait survenir rapidement. «Je prenais un livre aux 10 minutes pour voir si je pouvais lire. Puis, c’était d’heure en heure, de semaine en semaine, de mois en mois, mais ça continuait de se dégrader».
Se questionnant sur les compétences même de ce médecin, elle comprend aujourd’hui que certains charlatans profitent de la vulnérabilité de patients comme elle.
D’un deuil à l’autre
Pour la LaSalloise, c’est le commencement de la fin. Elle tente de prendre sa canne blanche. «J’ai fait 10 pas avec, je l’ai garrochée au bout de mes bras et je me suis mise à pleurer», raconte-t-elle.
Elle doit se résigner à perdre son travail. «J’étais coiffeuse depuis 25 ans et je ne m’imaginais pas faire autre chose».
Un autre deuil survient le jour où elle ne se voit plus dans le miroir. «J’étais une ombre, l’ombre de moi-même, dit-elle avec tristesse. J’avais tout essayé et j’ai touché le fond. J’ai pensé en finir avec la vie et j’avais peur d’être un déchet de société».
Il lui a fallu beaucoup de volonté pour se reprendre en main. Elle voulait retrouver un sens à sa vie.
Sérénité
Élaine Primeau s’est tourné vers la massothérapie.
«Tout est dans le doigté. Pour la première fois depuis des années, j’ai pu être moi-même et guérir mon cœur et mon âme».
Durant ses études, elle a même pu bénéficier du soutien d’un chien MIRA.
Elle a maintenant accepté son sort. «Ça ne fait plus mal. On accepte l’inacceptable», avoue-t-elle.
Maintenant âgée de 47 ans, la LaSalloise sait ce qui l’attend. «J’ai 10% de vision et ça va descendre à 1%, comme si on regarde dans une paille».
Elle rêve d’une vie paisible. «J’ai ramé à contre-courant toute ma vie. Je veux de la douceur, être sereine et ne plus me battre.»
Un ami fidèle
Élaine Primeau a vécu huit mois de bonheur grâce à son chien-guide nommé «Tuque» fourni par la Fondation Mira. Mais comme il n’était pas adapté pour ses besoins, elle a dû s’en départir. Elle devrait en recevoir un nouveau d’ici un an.
«Je l’adorais, mais il me mettait en danger puisqu’il ne faisait pas ses coins de rue et sautait des lumières», confie-t-elle.
Malgré tout, «Tuque» a été un baume sur toute sa colère et sa tristesse. «Quand je regardais mon chien, j’avais l’impression qu’il me souriait. Avec lui, je regardais la vie plus sereinement».
Elle croit qu’il a même changé la perception qu’elle avait de la maladie.
MIRA a repris Tuque pour qu’il puisse venir en aide à des gens à mobilité réduite.
Élaine Primeau est maintenant sur une liste d’attente. Elle pourrait ravoir un chien d’ici un an. «Elle aura son nouvel ami à l’automne 2017», confirme Johanne Hallée, directrice des services à la Fondation MIRA.