Refermer les bars et restaurants, serait «un chaos total» pour les établissements du Plateau
Sur le Plateau-Mont-Royal, 15% des commerces sont des bars ou des restaurants. Déjà essoufflés par la pandémie, une deuxième vague de reconfinement édictée par Québec pourrait leur être fatale. Et cela pourrait changer le visage du Plateau.
Connu pour ses nombreux commerces, le Plateau-Mont-Royal compte 694 restaurants et 162 débits de boissons alcooliques, sur un total de 5503 certificats d’occupation valides, selon l’arrondissement.
«Les bars et restaurants sont dans l’ADN du Plateau», pense Claude Rainville, directeur de la Société de développement commercial Mont-Royal.
Selon Pierre Thibault, président de la Nouvelle association des bars du Québec et propriétaire de la Taverne Saint-Sacrement sur l’avenue du Mont-Royal, «le plateau perdrait beaucoup de son charme» sans ses bars et restaurants.
Ces établissements contribuent aussi au dynamisme du quartier, selon Luc Rabouin, maire du Plateau-Mont-Royal et membre du comité exécutif de la Ville au développement économique et commercial. «On veut pas se retrouver avec des rues et des immeubles vides, on veut sauver le plus de commerces possible car les bars et restaurants sont une source d’attraction pour les gens et cela a un impact sur les autres commerces», souligne-t-il.
Pourtant, si les bars et restaurant venaient à se reconfiner sous ordre du gouvernement provincial, un passage en zone rouge aurait des conséquences «extrêmement grave», pense François Meunier, vice-président aux affaires publiques et gouvernementales de l’Association des restaurateurs du Québec (ARQ). Il prédit entre 3000 et 4000 faillites de restaurants à prévoir au Québec.
Claude Rainville tempère: «Il faudra surtout s’inquiéter des faillites des établissements implantés depuis 15, 25 ans, car des fermetures, c’est assez habituel, c’est un cycle».
Il ne remarque d’ailleurs pas une vague de fermetures parmi la centaine d’établissements, sur l’avenue Mont-Royal, «mais les prochains mois seront critiques».
Sur le boulevard Saint-Laurent, José Daeria, propriétaire du Bar Bifteck depuis 25 ans, ne sait pas s’il devra mettre la clé sous la porte si la crise sanitaire se poursuit. Il craint un «un chaos total» si les bars étaient contraints de refermer.
À la microbrasserie Siboire, on «garde la tête hors de l’eau» tant bien que mal, composant aussi avec les mesures sanitaires et les horaires réduits. «Si on ferme plus d’une semaine, beaucoup de bars vont mettre la clé sous la porte», prévient Antoine Desharnais-Ducharme, copropriétaire.
Se relever
Selon une étude publiée récemment par la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante (FCEI), les hôtels et les restaurants du pays, pourraient devoir attendre plus de huit ans avant de retrouver un niveau de revenus normal.
Pour se sortir de cette crise, Jean Lagueux, professeur au Département d’études urbaines et touristiques de l’école des sciences de la gestion de l’Université du Québec à Montréal (UQÀM) pense qu’il faudra se réinventer.
«Ceux et celles qui ont su s’adapter réussiront à passer au travers de la pandémie, mais ceux qui sont restés sur un vieux modèle d’affaires, risqueraient d’avoir plus de mal», prévoit-il.
Selon lui, cela reposera aussi sur le respect des mesures sanitaires «pour que le client se sente en sécurité et dans un environnement sain».
Renforcer les aides
Malgré les différents programmes d’aides des gouvernements et de la Ville, «ça prendra plus que ce qu’on a vu» selon M. Meunier. «Il faut des congés de taxes car on peut pas payer nos loyers sans revenus, on a atteint la limite», soutient-il.
Malgré les aides provinciales, majoritairement des prêts, «on ne peut plus s’endetter maintenant, il faudra des allègements fiscaux», relance Pierre Thibault.
Luc Rabouin, souligne que les efforts du fédéral, du provincial et de la Ville de Montréal sont à poursuivre. La Ville «s’est engagée à poursuivre la réduction des charges fiscales», assure-t-il. Toutefois, un congé de taxes n’est pas envisageable, «car les finances de la Ville sont durement atteintes». «Ceux qui ont le plus d’argent, c’est le gouvernement du Canada et du Québec. Ils ont des milliards, nous à la Ville on a des millions, c’est pas la échelle», conclut-il.