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Planter le décor au Cherrier

Après Charles le téméraire, une trilogie amorcée en 2004, le romancier québécois Yves Beauchemin déballe La serveuse du Café Cherrier. L’auteur, qui se passe de présentation depuis l’immense succès de son roman Le Matou, publié en 1981, plante ici son décor au bistro Cherrier, une petite institution du Plateau-Mont-Royal.

Un jour de mai 2009, Yves Beauchemin déambule sur la rue Saint-Denis, près de l’intersection du boulevard Saint-Joseph. Par pur hasard, il croise Michel Brûlé, éditeur et propriétaire des Éditions Les Intouchables. L’auteur se cherche justement un nouvel éditeur… « Il [Michel Brûlé] m’a proposé de le suivre à son bureau. Cinq minutes après, l’entente était signée pour ce roman, lance Yves Beauchemin. Quand il m’a demandé si le personnage principal était un homme ou une femme, je n’en avais pas la moindre idée! J’ai dit… une femme! ».

C’est de cette façon, simple et imprévue, qu’est né le projet de livre La serveuse du Café Cherrier. Après réflexion, M. Beauchemin s’est remémoré un personnage féminin qui dormait dans ses archives personnelles et qu’il avait jusqu’ici relégué aux oubliettes. « Ce personnage m’habitait depuis plusieurs années. Je l’avais appelé la petite serveuse de Trois-Rivières, note l’écrivain. J’ai décidé que ça allait être elle. Ensuite, les matériaux se sont agglomérés autour de ça ».

Yves Beauchemin commence donc à tracer le destin de son héroïne, Mélanie Gervais, une jeune trifluvienne issue d’une mère qui ne voulait pas d’enfants et d’un père faiblard, mais affectueux. Au début des années 2000, à 19 ans, Mélanie débarque à Montréal, avide de liberté, portant sur ses frêles épaules le poids d’une expérience familiale difficile. « Elle arrive dans la grande ville pour gagner sa vie. Ce n’est pas une oie blanche, mais elle est naïve et inexpérimentée. C’est une fille intelligente et vraiment très belle, avance Yves Beauchemin. C’est un grand avantage d’être beau dans la vie, mais ça entraîne parfois des inconvénients : on peut se faire classer comme objet sexuel par bien des gens ».

Pour gagner sa croûte, la jeune femme devient serveuse au Café Cherrier, rue Saint-Denis. Une question brûle évidemment les lèvres : Yves Beauchemin s’est-il inspiré d’une histoire vraie? La serveuse du Cherrier existe-elle vraiment? Non, assure le romancier. Alors pourquoi avoir campé l’action au Café Cherrier? « C’est une place que j’aime bien. J’aime la rue Saint-Denis et je viens souvent dans le coin », souligne M. Beauchemin, sans toutefois se qualifier d’habitué de la place. « Mon imagination fonctionne bien en décor réel. Le Matou se passait à la Binerie, un restaurant réel. Je travaille toujours en décor réel; je suis très méticuleux pour cela. Je fais des tas de vérifications et de recherches », avance l’auteur de 70 ans.

Une galerie de personnages

À Montréal, Mélanie va croiser le chemin de Pierrot Bernard, quinquagénaire et éternel futur romancier, dont elle tombera amoureuse. « C’est un être méprisable, faible, un égocentrique comme le sont tous les artistes. Une sorte de larve », évalue M. Beauchemin. La relation se terminera d’ailleurs sur une note dramatique.

Dans la deuxième partie du roman, la jeune femme, échaudée par les histoires d’amour, devra « mener un dur combat », soutient l’auteur. « Elle sera aidée par sa nouvelle patronne haïtienne, un ex-itinérant et un cégepien qui deviendra son amant », explique l’écrivain, demeurant flou sur le dénouement.

Bien que le personnage de Mélanie soit purement fictif, celui de Pierrot Bernard s’inspire d’un homme que M. Beauchemin a rencontré à l’hôpital après avoir subi une importante opération à cœur ouvert, en mars 2009. Pour imaginer la mère acariâtre de Mélanie, le romancier s’est souvenu de l’histoire réelle d’une amie dont la mère refusait la maternité. « Quand est venu le moment d’écrire le roman, j’avais beaucoup de matériel. Tous les écrivains font cela et c’est pourquoi on dit que nous sommes des voleurs. On vole continuellement. La littérature vient de la vie et parle de la vie », constate Yves Beauchemin.

Deux ans, c’est le temps qu’il aura fallu à Yves Beauchemin pour écrire La serveuse du Café Cherrier. « C’est vite, quand on pense que j’ai mis sept ans à écrire Le Matou

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