Parc locatif en péril : les propriétaires sonnent l'alarme
Selon Hans Brouillette, de la Corporation des propriétaires immobiliERS (CORPIQ), il est pressant de réviser les modes de fixation des loyers, afin de suivre le coût du marché.
« On a des logements qui reviennent sur le marché, complètement rénovés. Un appartement dont le loyer était de 450 $, et que le propriétaire augmente à 700 $ ou 800 $, ce n’est pas forcément abusif. Ça fait peut-être 10 ans qu’il n’y a pas eu de hausse. Il faut différencier la variation subie par un même locataire de celle du parc locatif en général. Dans le cas des individus, il y a des recours pour ça : ils n’ont qu’à refuser l’augmentation demandée », explique-t-il, mentionnant au passage le concept de « l’utilisateur-payeur ».
Or, c’est justement ce genre de pratiques que dénonce Entraide logement.
« Effectivement, si le but est d’évincer un locataire dont le loyer n’est pas assez cher pour le relouer au gros prix à quelqu’un d’autre : c’est illégal, confirme M. Brouillette. Par contre, lorsqu’un propriétaire reprend un logement pour s’y loger, il a droit de choisir lequel il va habiter. Par exemple, si j’ai un triplex dont le rez-de-chaussée est loué 1500 $, et les deux autres logements sont loués 700 $ et 450 $, j’ai le droit de reprendre le moins cher. Ça se peut que je ne puisse pas me permettre de me priver de revenus de location plus importants (1500 $ et 700 $) pour payer mon hypothèque. »
Situation financière précaire
Quand il est question de logements locatifs, le principal enjeu est économique, tant pour les locataires, qui peinent à trouver des appartements abordables, que pour les propriétaires, qui voient leur fardeau financier s’alourdir.
« Les immeubles ont triplé de valeur, depuis 2000, mais les revenus, eux, n’ont pas suivi. Comment les propriétaires sont censés faire pour payer? Les taux d’intérêt sont actuellement très bas. Imaginez ce qu’il va arriver lorsque ça va monter! Pour les petits immeubles, ce n’est plus viable de louer des appartements », affirme M. Brouillette, annonçant qu’une pénurie de logements est à prévoir.
« Si les logements tiennent encore, c’est grâce aux propriétaires occupants. Si ce n’était que des revenus de location, on ne pourrait plus rénover les immeubles. Il n’y a plus de liquidité pour faire des travaux majeurs. Avant, en huit ans, on pouvait absorber les coûts; ça en prend maintenant 38! Les propriétaires ne sont donc plus prêts à faire les travaux, car les intérêts du prêt à la banque sont supérieurs à ce que va rapporter le coût du loyer. »
Il estime à 5 G$ le coût annuel des travaux nécessaires pour remettre sur pied le parc locatif québécois.
« Qu’est-ce qu’on fait pour résorber le déficit d’entretien? On ne peut pas dire aux locataires : toi, tu es malchanceux, tu vas payer pour les 15 années où il aurait dû y avoir des travaux. C’est le défi auquel on fait face : il ne s’agit pas de changer les fenêtres, il faut refaire les toits, la plomberie, l’électricité », mentionne-t-il.
Pour pallier cette situation, la CORPIQ propose de ramener la période d’amortissement des coûts des travaux entre 10 à 15 ans, d’indexer la hausse des loyers au coût de la vie et de redistribuer l’argent récolté par la hausse des impôts sur le revenu des propriétaires aux locataires les moins fortunés.