Aider les familles à faire le choix difficile du don d’organes
Infirmière ressource au don d’organes et de tissus au CIUSSS du Nord-de-l’Île-de-Montréal, Marie-Claude Prud’homme Lemaire accompagne les familles confrontées au décès imminent d’un proche. Face au drame, elle explique comment propager la vie malgré la mort.
«On travaille toujours dans la partie sombre du don d’organes. On est dans la tristesse, mais on sait aussi que de l’autre côté, ça va aider», explique Marie-Claude Prud’homme Lemaire. Depuis 2011, cette professionnelle de la santé œuvre au quotidien pour faire progresser le don au sein du Centre de prélèvement d’organe (CPO) de l’hôpital Sacré-Cœur.
Sa tâche principale est d’approcher les familles de donneurs potentiels qui font face à une mort certaine pour parler avec eux de l’hypothèse du prélèvement d’organes. «On n’est pas là pour forcer, on est là pour proposer. Qu’ils disent oui ou non, on les accompagne jusqu’à la fin. Ce sont des drames toujours, il faut qu’ils comprennent qu’on ne peut pas sauver la vie de leur proche, ensuite on propose et on respecte leur rythme», précise Mme Prud’homme Lemaire.
Même si la mission est toujours la même, chaque cas est différent pour l’infirmière. «Tu as beau arriver avec un plan d’action parfait, c’est jamais noir sur blanc, il faut s’adapter à chaque famille. Ils n’ont plus de repères et on est comme leur bouée pendant un certain temps», compare-t-elle.
Pour faciliter le départ du proche, l’infirmière propose aussi de personnaliser chaque processus. Dans certains cas, l’arrêt des soins se fait dans un bloc opératoire et Marie-Claude Prud’homme Lemaire y autorise tous les hommages, que ce soit des rites religieux, des souvenirs sportifs ou encore des performances musicales.
«Il y a une famille où le fils m’a demandé s’il pouvait amener sa guitare pour jouer à son père ses premières compositions qu’il lui jouait dans leur sous-sol. On ne peut pas être insensible à ça», raconte-t-elle.
Émotion
En faisant face à la mort au quotidien, Mme Prud’homme Lemaire ne peut s’empêcher de compatir avec les familles, même si elle prend soin de séparer sa profession et son quotidien.
«Ça nous confronte à chaque fois, ça m’arrive de pleurer avec eux et la journée où ça ne me touchera plus, je devrais arrêter. Mais quand je quitte, je retourne dans ma vie et il faut savoir oublier pour se protéger», souligne l’infirmière.
Elle reconnaît néanmoins que certains cas réveillent des cordes sensibles.
«J’ai perdu mon père quand j’avais huit ans, donc dès qu’il y a des jeunes enfants, ça vient me chercher. Je me mets comme mandat de faire en sorte que ces enfants-là soient bien», poursuit Marie-Claude Prud’homme Lemaire.
Motivation
La mission des infirmières ressource au don d’organes ne s’arrête pas à la porte des hôpitaux. Avec chaque famille, ces professionnelles font un suivi pour s’assurer que les besoins de base sont comblés. Elles réfèrent aussi ces personnes à des organismes ou des ressources psychologiques si nécessaire. De l’expérience de Mme Prud’homme Lemaire, le don aide souvent à faire passer le deuil.
«C’est brutal, mais ça donne un sens à ce qui n’en a pas. Quand on annonce qu’un organe est placé, il y a une fierté. Ils nous disent souvent que leur proche n’est pas mort pour rien», fait-elle valoir.
Cette dernière garde d’ailleurs contact avec la majorité des familles qu’elle a accompagnées et se nourrit de la reconnaissance que lui témoignent ces personnes.
«Tu vois que tu as fait du bien, je pense que c’est cela notre moteur. J’ai reçu beaucoup de lettres de familles et je les ai toutes gardées. Quand je ne vais pas bien, je les relis et ça me donne la force pour continuer», conclut Mme Prud’homme Lemaire.
Le don d’organes en chiffres – 786 personnes étaient en attente d’un organe au Québec lors du dernier bilan en 2017. La liste était longue de 1264 noms en 2011. |