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Lutte au racisme: une nomination qui fait des vagues chez les pro-laïcité

Bochra Manaï nommée commissaire de lutte au racisme de Montréal
Bochra Manaï sera la première commissaire de la lutte contre le racisme et les discriminations systémiques de Montréal. Photo: Archives Métro

La nomination d’une ancienne porte-parole d’un groupe contestataire de la loi 21 au poste de commissaire à la lutte au racisme et aux discriminations systémiques est vertement critiquée par des défenseurs de la laïcité. Ceux-ci estiment que l’administration Plante s’associe à des positions controversées sur les accommodements religieux.

Chercheuse et militante, Bochra Manaï est la première personne à occuper le poste de commissaire à la lutte au racisme à Montréal.

Titulaire d’un doctorat en études urbaines de l’Institut national de la recherche scientifique, Bochra Manaï se spécialise notamment dans les enjeux d’immigration et dans les dynamiques d’exclusion et d’inclusion dans les quartiers urbains. Mme Manaï travaillait depuis 2017 dans le milieu communautaire de Montréal-Nord.

En 2019, elle était porte-parole du Conseil national des musulmans Canadiens (CNMC) lors de sa contestation judiciaire de la loi 21 sur la laïcité.

Ce groupe qui «s’attaque à la discrimination et à l’islamophobie», selon un texte de présentation disponible sur son site Web, a des positions controversées sur les accommodements religieux à mettre en place à l’école, soutient l’avocat Guillaume Rousseau.

Ce dernier, qui a défendu la loi 21 devant les tribunaux au nom du Mouvement laïque québécois, montre du doigt un guide produit par le CNMC et destiné aux administrateurs d’école. Celui-ci revendique notamment le droit aux parents d’élèves musulmans de retirer leurs enfants de classes de musique, de cours évoquant l’homosexualité ou d’ateliers de danse qui incluraient garçons et filles.

Bochra Manaï nommée commissaire de lutte au racisme de Montréal
Bochra Manaï sera la première commissaire de la lutte contre le racisme et la discrimination systémiques de Montréal.

«Ça pose des questions à Valérie Plante»

«Ce genre de position là, au nom de la lutte au racisme, au nom de l’inclusion, ça pose des questions, soutient Me Rousseau. Est-ce que Mme Plante est à l’aise avec cette vision de la lutte à la discrimination qui dit qu’au nom de cette lutte-là, on doit faire toute sorte d’accommodements religieux?»

Du côté du Rassemblement pour la laïcité, le porte-parole Claude Kamal Codsi s’oppose également à la nomination de Mme Manaï, qui avait affirmé que la loi 21 crée deux classes de citoyens. Selon M. Codsi, Mme Manaï a une position trop tranchée sur la loi pour occuper sa nouvelle fonction.

«Mme Plante, en faisant cette nomination, s’associe d’une certaine façon à une mouvance un peu radicale et un peu intégriste et on n’a pas besoin de ça dans notre société, croit-il. Si la nouvelle commissaire part avec la prémisse que la laïcité est discriminatoire, islamophobe et raciste, il y a un problème important.»

«Pas d’accord» avec ces positions

En entrevue avec Métro, Bochra Manaï affirme qu’elle n’a pas changé sa position sur la loi 21.

«Je ne change pas de position sur le fait que certains éléments peuvent produire des inégalités. Ce qui m’intéresse toujours, c’est d’écouter ce qu’en disent les personnes concernées.»

«Pour moi, ma position ne change pas grand chose sur la façon avec laquelle je vais travailler», ajoute-t-elle.

Quant à son mandat au CNMC, elle affirme qu’elle a appris aujourd’hui l’existence du guide controversé.

«Je n’avais pas connaissance de ces positions-là, explique-t-elle. Pour moi, c’est un mandat parmi d’autres que j’ai fait.»

La responsable de la lutte au racisme au sein du comité exécutif de la Ville de Montréal, Cathy Wong, affirme que la Ville «était au courant» de l’implication passée de Mme Manaï.

«Je pense que toute personne qu’on embauche a un passé et on sait que Mme Manaï est une citoyenne engagée et elle l’est toujours, dit-elle. Je pense que comme commissaire, l’importance est que son rôle porte sur la lutte au racisme et aux discriminations dans les compétences de la Ville de Montréal.»

Un choix électoral, selon une experte

Selon la professeure au département de stratégie, responsabilité sociale et environnementale de l’UQAM Danielle Pilette, le militantisme de Bochra Manaï «n’est pas un problème en soi».

«Ce que l’administration a avantage à faire, c’est de parler du processus de sélection, nuance l’experte en politique municipale. Autrement, toutes les interprétations sont possibles. Au final, c’est le parti au pouvoir qui va faire le choix. C’est évident que le parti au pouvoir va mettre une teinte [idéologique].»

L’administration Plante s’était opposée à l’interdiction des signes religieux en 2019, avant l’adoption de la loi 21.

La nomination de Bochra Manaï «est très liée à l’échéance électorale», selon Mme Pilette.

«Ça risque d’aller chercher des adhérents que Projet Montréal n’avait pas nécessairement avant, entre autres en renforçant son positionnement chez les jeunes», dit-elle.

«C’est une loi qui est beaucoup moins populaire chez les jeunes et encore moins chez les jeunes Montréalais exposés à la diversité, ajoute-t-elle. À Montréal, particulièrement dans les quartiers centraux, la population s’est beaucoup rajeunie.»

Le processus de sélection était déterminé par le service des ressources humaines de la Ville. Le comité était composé de représentants entre autres du service de la diversité et du service des ressources humaines, ainsi qu’une experte externe.

Le comité a reçu 121 candidatures. Parmi celles-ci, quatre ont été rencontrées.

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