Profilage: les caméras corporelles ne sont pas la panacée, plaident des organismes
La mairesse Valérie Plante et le directeur du Service de police de la Ville de Montréal Sylvain Caron démontrent de plus en plus d’ouverture au déploiement de caméras corporelles sur les policiers montréalais. Cette technologie peut certes être utile pour prévenir les bavures policières et réduire le profilage, mais elle doit être balisée pour protéger la vie privée, nuancent des organismes de Montréal-Nord.
«La technologie s’est améliorée, on est rendu là, affirme Slim Hammami de l’organisme Café-jeunesse multiculturel. C’est pas seulement pour le profilage racial, mais pour prévenir tous les abus policiers».
M. Hammami, comme plusieurs autres, ne croit cependant pas que ces caméras sont une «solution miracle» aux interventions policières abusives. Cassandra Exumé, coordonnatrice générale de Hoodstock, exprime ses inquiétudes face à cette mesure.
«J’ai toujours un certain malaise parce que ça augmente la surveillance, ça peut être stressant pour la population. Il faut que ce soit pertinent pour les deux côtés».
Le débat sur l’implantation des caméras corporelles dans le Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) s’est intensifié depuis les arrestations controversées de Mamadi Camara et Kwado D. Yeboah.
M. Yeboah, avocat du Barreau de Montréal, avait porté plainte au commissaire à la déontologie policière ainsi qu’auprès de la Commission des droits de la personne à la suite de son arrestation controversée au mois de janvier. Ce dernier avait confié ses inquiétudes au Journal Métro.
«Il faut que les policiers aient un contrôle restreint sur les caméras, sinon, autant ne pas en avoir du tout», avait-il déclaré.
Encadrer l’utilisation
Toronto, New York, Londres, Calgary, Chicago et Los Angeles utilisent actuellement les caméras de surveillance de la compagnie Axon pour leurs services policiers. Des éléments de cette technologie permettent une certaine liberté aux gouvernements dans leur utilisation des caméras, mais aussi dans l’utilisation du stockage des données.
«Les gouvernements ont le choix pour certaines fonctionnalités, comme les moyens d’activation des caméras et le temps d’enregistrement avant et après l’activation. Aussi, c’est à la police de déterminer leur politique de partage des données», affirme le directeur général d’Axon en Amérique, Vishal Dhir.
Règle générale, les caméras sont activées manuellement. Ceci peut aussi se faire automatiquement lorsqu’un policier sort son arme de son étui ou déclenche les sirènes de sa voiture, par exemple.
L’encadrement de l’utilisation de cette technologie est crucial pour Marie-Livia Beaugé, fondatrice de la Clinique juridique de Montréal-Nord. Comme M. Yeboah, elle croit que l’utilisation des caméras et le stockage des données doivent être balisés à l’intérieur de lois restrictives pour les policiers.
«Idéalement, les données devraient être gérées par une entité complètement indépendante du SPVM. Les policiers doivent avoir des indications très claires quant au contrôle qu’ils ont des caméras. Il ne faut pas que ce soit un outil qui inquiète davantage la communauté».
«Solution miracle»?
Il ne faut pas s’attendre à ce que le profilage racial soit enrayé complètement avec l’implantation des caméras corporelles, prévient toutefois Guy Ryan, inspecteur à la retraite du SPVM. Bien qu’imparfaite, l’initiative lui semble intéressante pour tous les partis.
«Lorsque les gens sont épiés, ça brime la liberté. Mais là on pourrait voir si les interventions sont justifiées, s’il y a eu utilisation de la force excessive par exemple. D’un autre côté, la réaction de la population risque d’être meilleure».
Jeudi, le directeur du SPVM Sylvain Caron déclarait dans un point de presse à Rivière-des-Prairies que le service de police avait besoin de «moyens technologiques» pour lutter contre la criminalité «émergeante».
L’opposition officielle à l’hôtel de ville presse de nouveau l’administration Plante d’équiper les policiers de Montréal de caméras portatives à partir de janvier 2021. Une motion en ce sens rédigée par Abdelhaq Sari, conseiller d’Ensemble Montréal dans Montréal-Nord, sera débattue le 24 février en séance du conseil municipal.