Hausse des tentatives d’évictions à Montréal-Nord
Signe que la crise du logement atteint à présent les quartiers excentrés de l’île, le Comité logement de Montréal-Nord a reçu cinq fois plus d’appels de locataires craignant l’éviction que les années précédentes. De plus en plus critique, la situation inquiète.
Le nombre de demandes de reprises de logement a bondi de 40% cette dernière année au Québec, selon le Tribunal administratif du logement (TAL). Et tous les moyens seraient bons pour certains propriétaires d’immeubles qui souhaitent augmenter les loyers en délogeant leurs locataires.
«Quelques-uns utilisent des tactiques abusives, par exemple un proprio qui reprend un 5 et demie pour sa fille qui n’a pas d’enfants. On a eu au-dessus de 50 appels cette année pour la reprise de logements comparativement à 7-8 les autres années», affirme Jacynthe Morin du Comité logement de Montréal-Nord.
Au milieu d’une procédure à la Régie du logement pour conserver son petit 4 ½ sur le boulevard Gouin qu’il habite depuis 2005, Febo Di Genova affirme se sentir prisonnier dans son logement. Harcèlement, pressions, négligences, ses propriétaires lui feraient vivre l’enfer en espérant qu’il quitte, plaide-t-il.
«L’hiver, ils gardent la température en bas de 17 degrés. Je dois porter mon manteau et partir mon four pour ne pas geler. J’ai dû payer de ma poche pour un problème de coquerelles et j’ai peur pour les punaises de lit. Je ne peux pas me permettre de tout racheter», souligne-t-il.
Atteint de la sclérose en plaques, l’homme n’ose plus sortir de chez lui de peur de contracter la COVID-19. En raison de la moisissure dans son logement, sa jeune fille de 17 ans ne lui rend plus visite.
«Ils me disent, “si tu n’es pas content, t’as qu’à t’en aller”. Dans d’autres logements, ils font des rénovations de rien et augmentent de 200$. Je ne sais pas quoi faire de plus», déplore-t-il.
Inaccessible
Jusqu’à tout récemment le prix des loyers était relativement bas à Montréal-Nord, l’un des quartiers les plus démunis au Canada. Mais selon Jacynthe Morin, la récente augmentation des baux n’a pas les mêmes répercussions qu’ailleurs sur l’île.
«Où vont aller ces gens? Plusieurs sont déjà à la limite, et en temps de pandémie, ils vont s’entasser et couper encore plus dans leurs besoins essentiels. Certains vont se retrouver à la rue», affirme-t-elle.
Si le loyer moyen des appartements d’initiative privée dans le quartier demeure le plus bas à Montréal à 733$, la variation de ce dernier a grimpé de 4,1% en 2019-2020 comparativement à 2,7% en 2018-2019.
Phénomène généralisé
Au Québec, deux fois plus de locataires ont visité des comités logements parce qu’ils sont à risque d’éviction. Maxime Roy-Allard, du Regroupement des comités logement et associations de locataires du Québec, peut en témoigner.
«C’est un phénomène à la hausse depuis quelque temps, beaucoup de vieux immeubles nécessitent des travaux. Nous sommes là pour offrir un soutien aux gens», souligne-t-il.
Avec un taux de rotation à la baisse de 4,8% cette dernière année dans les appartements privés montréalais, la rareté des logements abordables est plus évidente que jamais.
«Ce n’est pas qu’il y a rien, on a jamais vu autant de constructions et il y a une remontée du taux d’inoccupation, mais les logements avec de bons loyers ne se libèrent pas. Les gens ne veulent pas s’en aller», mentionne Hans Brouillette de la Corporation des propriétaires immobiliers du Québec (CORPIQ).