Trop de télé, moins d’amis
Si votre enfant regarde trop de télévision, il risque davantage de s’isoler à l’adolescence, d’intimider les autres ou de se faire intimider. C’est ce que démontrent les derniers résultats d’une étude du Centre de recherche du CHU Sainte-Justine, la seule au Canada à mesure l’impact de la télé sur les jeunes.
La chercheuse Linda Pagani et ses collègues ont démontré que les enfants de 2 ans et demi qui faisaient une consommation excessive du petit écran avaient plus de problèmes relationnels à long terme.
Ils avaient tendance à préférer la solitude, à manifester une agressivité proactive, à avoir des comportements antisociaux et à subir de la victimisation des autres élèves à 13 ans. Ces quatre types de difficultés sociales augmentaient proportionnellement avec chaque heure de visionnement au-delà des normes de 2 heures par jour.
Risques cumulatifs
À l’âge où le développement du cerveau social, cognitif et physique est crucial, il est important d’interagir avec d’autres personnes pour que les connexions entre les neurones se fassent adéquatement.
«Les jeunes qui passent trop de temps devant la télé à 2 ans le font au détriment d’autres activités enrichissantes», affirme Linda Pagani, aussi professeure titulaire de l’École de psychoéducation de l’Université de Montréal.
La capacité à établir un contact visuel est innée. «On est programmé dès la naissance à chercher les yeux de l’autre pour interagir et communiquer. Selon certains chercheurs en communication, les personnes ayant un mauvais contact visuel sont perçues comme malhonnêtes ou menaçantes», explique Mme Pagani.
Des apprentissages sociaux mal faits en bas âge auront un effet domino sur toutes les interactions plus tard.
«Si on ne passe pas assez de temps à développer les relations personnelles, on n’aura peu d’amis et de soutien social à l’adolescence, explique Linda Pagani. De plus, ce comportement continuera parce que les habitudes interactionnelles deviennent une routine pour la personne.»
Recommandations
Les enfants de moins de 2 ans ne devraient pas du tout regarder de télé. «Leur cerveau et leur vision n’ont pas fini de se développer. Il y a beaucoup de maturation entre la première et la cinquième année, mais surtout entre 0 et 3 ans», affirme Mme Pagani.
La professeure de l’UdeM va aussi dans le sens des recommandations de l’American Academy of Pediatrics, qui juge qu’une consommation excessive de télévision équivaut à plus de 2 heures par jour pour les enfants de 2 ans et plus, incluant ceux de l’école primaire et secondaire. Même chose pour l’utilisation d’écrans (ordinateurs, tablettes électroniques, téléphones mobiles).
«Les enfants d’âge scolaire ont besoin d’étudier. Passer trop de temps devant l’écran renforce la sédentarité et la solitude», indique-t-elle.
L’étude du CHU Sainte-Justine, commandée par l’Institut de la statistique du Québec, suit depuis environ 10 ans une cohorte d’enfants québécois nés en 1997 et en 1998. Elle a récemment été publiée dans Psychological Medecine.
Puisque les parents achetaient peu de logiciels pour enfants à la fin des années 90 et que le iPad n’existait pas quand les habitudes télévisuelles des trottineurs ont été mesurées, isoler l’influence de la télé par rapport aux autres types d’écran a été plus facile.
Par contre, les enfants regardaient probablement plus de télévision que ce qui a été révélé, indique Linda Pagani. En moyenne, «les parents rapportaient que les enfants en regardaient 1 heure 30 par jour à la maison. Mais ils n’ont pas tenu compte des garderies.»
Selon la chercheuse, les enfants consomment quotidiennement 1 à 4 heures de télé par jour en garderie en Amérique du Nord.
<@CP>(Photo: Gracieuseté – Linda Pagani)<@$p>