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Jean-Pierre Couturier, le père qui chausse les sans-abris

Photo: Photo TC Media -Mario Beauregard

Depuis 20 ans, le père Jean-Pierre Couturier, prêtre à la paroisse Marie-Auxiliatrice à Rivière-des-Prairies, dédie sa seule journée de congé de la semaine à réparer des chaussures usagées, qui seront redonnées aux sans-abris.

Dans son atelier-entrepôt situé dans les entrailles poussiéreuses de la basilique-cathédrale Marie-Reine-du-Monde au centre-ville, le père Couturier rentre de sa cueillette hebdomadaire de bottes seconde main, recueillies dans les boutiques non loin de la Place Ville-Marie.

«Je vais chercher tout ça à pied, ça fait mon exercice», dit le prêtre, toujours enthousiaste après toutes ces années. Alors qu’à peine cinq ou six magasins collaboraient au départ, il en compte maintenant 20.

Les clients se départissent souvent sur place de leur vieille paire de chaussures lorsqu’ils en achètent une neuve, que les marchands mettent de côté pour le père Couturier.

«Parfois on comprend pourquoi ils ont laissé leurs vieilles chaussures. Par contre, comme celles-ci, elles ont simplement besoin d’être recollées et nettoyées», dit-il en montrant une paire de bottes robuste dont le caoutchouc de la semelle est pratiquement intact.

Sans s’en plaindre et bien conscient que d’autres pourront en profiter, il ne peut s’empêcher d’être toujours aussi stupéfait des «choux gras» qui sont jetés et d’être désolé face aux valeurs «matérialistes et consuméristes» d’aujourd’hui.

«Les gens ont beaucoup magasiné après Noël. La semaine du « Boxing Day » fut toute une récolte!», lance le prêtre en enfilant sa combinaison de travail.

Aidé de trois autres bénévoles, il triera la bonne vingtaine de bottes recueillies, dont certaines seront réparées et d’autres qui ne serviront que «pour les pièces».

Demande constante

Chez le P’tit Père, c’est ainsi que le fondateur a récemment nommé son œuvre. «Ce nom vient d’une commerçante d’origine française, qui avait l’habitude de l’inscrire sur le sac de chaussures qui m’était destiné. J’aimais bien ça, j’ai finalement adopté ce nom», dit-il en riant.

Des besoins il y en a. Ces gens vont marcher des kilomètres et parfois n’enlèvent pas leurs souliers pendant des jours, avec tous les problèmes que cela cause».

Jean-Pierre Couturier

L’œuvre a débuté alors que M. Couturier était vicaire à la cathédrale Marie-Reine-du-Monde. «Il est fréquent que des itinérants se présentent à la cathédrale, pour se réchauffer, se reposer. Un jour, un homme vraiment mal en point dénommé Jean-Paul est arrivé. Il a enlevé ses souliers et j’ai constaté qu’il avait une blessure gangrénée. C’est là que j’ai compris qu’il y avait un grand besoin», raconte l’homme d’Église.

Le travail de cordonnerie, Jean-Pierre Couturier l’a appris grâce à un ami et collaborateur depuis le début de cette aventure, Ghislain Anctil, cordonnier à la Place Ville-Marie. C’est aussi lui qui répare ce que M. Couturier ne peut faire.

Les souliers et bottes réparés seront redistribués dans certains organismes situés dans la Petite-Patrie ou Saint-Léonard, mais principalement à la Maison du Père. «Des besoins il y en a. Ces gens vont marcher des kilomètres et parfois n’enlèvent pas leurs souliers pendant des jours avec tous les problèmes que cela cause», indique le père Couturier.

Besoin de main-d’oeuvre

Si des personnes qui ont du temps et le goût de rafistoler des semelles venaient cogner à la porte, Jean-Pierre Couturier ne dirait certainement pas non, car il est littéralement enseveli de chaussures à réparer.

Sur son établi, une montagne de bottes encore utilisables s’amoncelle. Elles seront recousues, recollées, renforcies, semelles et lacets remplacés au besoin. «Elles pourront servir encore pour une bonne cinquantaine de kilomètres, au bas mot! (rire)».

Il ne cache pas que maintenant, cette activité caritative a pris une ampleur certaine et que seul, il n’y parviendrait plus. Heureusement, il a de l’aide aujourd’hui pour trier, laver et classer les chaussures qui submergent l’atelier. En plus d’Alexandra Fol, complice depuis cinq ans, Clayton Kennedy, une connaissance, s’est joint à l’équipe.

«Il y a un mois, j’avais commencé à amasser des souliers auprès de mon réseau Facebook et à les redonner aux itinérants sur la rue, raconte le jeune homme. Ça faisait suite à la rencontre avec un sans-abri qui n’avait que des « runnings shoes » aux pieds. Je trouvais ça impossible, il allait faire -40 degrés. Alexandra m’a contacté ensuite pour me demander si j’étais intéressé à aider à la cathédrale».

Action concrète

En plus de ses activités de prêtrise dans sa paroisse anglo-italienne de Rivière-des-Prairies, qu’il trouve particulièrement stimulante à cause des jeunes familles qui s’y trouvent, l’homme pratique aussi sa profession de musicien.

Doctorants en musique, lui et Alexandra Fol, aussi organiste et compositrice, ont enregistré un album de musique classique, pour baryton et orgue, paru en 2016.

«Le travail de prêtre en est un plus spirituel et on ne constate pas nécessairement les signes, indique le prêtre. Alors ici, c’est satisfaisant, car tout de suite, on a quelque chose de concret».

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