Renouer avec ses origines africaines à l’école secondaire Jean-Grou
Dans le cadre du Mois de l’histoire des Noirs, un groupe de jeunes Haïtiens inscrits à l’école secondaire Jean-Grou ont monté un spectacle qui symbolise la manière dont ces afro-descendants redécouvrent leurs racines au quotidien.
Jean-Grou est l’institution scolaire secondaire avec la plus grande concentration (70 %) d’étudiants noirs au Canada. Pourtant, même dans cette école, «les cours d’histoire ne suffisent pas à mettre en relief l’histoire et l’apport des communautés noires à la société», constate Riguerre Antoine, le coordonnateur des Jeunes leaders RDP qui sont derrière cette initiative.
«Or, le plus gros problème de ces jeunes-là est un problème identitaire, ajoute-t-il, on a donc décidé de fouiller dans le passé pour mettre en lumière notre héritage ancestral au travers de la renaissance de la culture africaine dont nous avons été déconnectés.»
En bref, pour M. Antoine, il est important que les jeunes noirs d’aujourd’hui comprennent d’où ils viennent pour savoir où aller. Le 28 février prochain, c’est exactement le voyage initiatique que feront les deux jeunes personnages du spectacle qui sera présenté. Perdus dans une forêt, ils seront guidés par un de leurs ancêtres africains qui, au travers des différents tableaux, les reconnectera à leurs origines.
Accepte-toi toi même
Anne-Médina Mentor fait partie de la vingtaine de jeunes leaders qui se sont mobilisés sur ce projet. Elle a choisi de danser sur des musiques hip-hop et dancehall pour rendre hommage «à ce que nos ancêtres ont en fait créé».
«Moi j’assume à 100 % mes différentes identités: je suis à l’aise avec le fait de ne pas être d’ici, mais aussi avec le fait de m’être intégrée ici», partage-t-elle.
Si pour certains jeunes noirs, cette prise de conscience des origines africaines est une évidence, pour d’autres, elle est difficile.
«L’Afrique est trop souvent présentée de façon négative, donc il peut être douloureux d’admettre un lien avec ce continent pour les gens issus de la culture haïtienne», admet M. Antoine.
C’est pourquoi les jeunes leaders RDP n’attendent pas le Mois de l’Histoire des Noirs pour se rappeler de ce lien. «Dans nos activités, on y va tranquillement pour faire accepter cette réalité aux jeunes et ne pas créer de rébellion», glisse M. Antoine.
Lors du passage du Guide à l’école secondaire Jean-Grou, un atelier sur les cheveux au naturel était justement organisé dans cet objectif. «Comment te démêles-tu les cheveux?», «Quand tu avais des tresses, comment te lavais-tu les cheveux?», «Où achètes-tu ton huile Maskriti?» (une huile de ricin noire populaire en Haïti), etc. Ces questions en apparence anodines sont autant d’interrogations auxquelles ces jeunes ne trouvent pas nécessairement de réponses dans la société où ils évoluent.
«Il ne faut pas oublier que se réapproprier l’entretien de vos cheveux, ça fait aussi partie de votre identité», leur lance M. Antoine qui a vu ses cheveux tomber les uns après les autres après avoir abusé de produits chimiques pour se défriser et «avoir les curls de Mickeal Jackson».
«On est stigmatisé dans une réalité»
Lassée de voir sa communauté régulièrement associée à une image négative, Anne-Médina a rejoint les jeunes leaders pour briser certains stéréotypes. «On nous voit trop souvent sous le mauvais côté, surtout dans les écoles comme à Jean-Grou, déplore-t-elle. On essaie de changer notre image en faisant des actions positives, et c’est ce qui me plait.»
Même son de cloche pour Monique, une autre jeune leader qui, en même temps qu’elle redécouvre sa culture, souhaite devenir un modèle pour les autres et montrer le chemin à suivre, au sens propre, comme au figuré. «Une de nos missions est aussi de veiller à la sécurité des autres jeunes en les aidant par exemple à prendre le bon chemin vers la maison après les cours», précise-t-elle.
Selon M. Antoine, le fait que Jean-Grou concentre autant d’élèves originaires d’Haïti génère des incompréhensions parce qu’il ne reflète pas la diversité culturelle de Rivière-des-Prairies.
«On a par exemple dû faire de la sensibilisation auprès de la communauté et de la police autour du concept d’attroupement qui pose problème pour certaines personnes», commence M. Antoine. «Nous, on aime être en groupe et cela ne va pas entraîner des actes délinquants comme pensent d’autres gens, ça fait juste partie de la manière dont on vit», termine-t-il en se donnant un argument de plus d’inviter toutes les communautés à franchir la barrière et les rejoindre, le 28 février prochain à l’école secondaire Jean-Grou pour un événement placé sous le signe de cet «Héritage ancestral : la renaissance de la culture africaine».