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Abattre les coyotes de Pointe-aux-Trembles risque «d’empirer la situation»

Photo: Checubus, 123RF

Les coyotes agressifs de Pointe-aux-Trembles seront euthanasiés à la suite de leur capture, confirme la Ville de Montréal. La nouvelle est mal reçue par plusieurs acteurs jugeant que d’autres options auraient dû être envisagées, puisque «tuer des coyotes ne va qu’empirer la situation».

C’est ce qu’assure la sommité en matière de cohabitation entre les coyotes et les humains au Canada, Shelley Alexander. Professeure à l’Université de Calgary. Elle est spécialisée en conflit entre ce canidé et les humains et en matière de cohabitation entre les deux espèces à travers le pays.

«Malheureusement, ces coyotes ont perdu toute crainte de l’humain», fait savoir la Ville. Selon la professeure à l’Université de Calgary, il existe pourtant des méthodes de conditionnement très précises permettant de réintroduire la peur des humains chez les coyotes aux comportements agressifs.

La SPCA de Montréal est elle aussi déçue de la décision de l’administration Plante. «Il ne s’agit pas seulement d’un enjeu de bien-être animal, mais aussi d’inefficacité de la méthode», dit la directrice générale par intérim, Sophie Gaillard. Mettre à mort ces canidés aurait comme impact de semer la panique au sein de la population des coyotes de Montréal, selon Shelley Alexander. Elle affirme que si les coyotes sont euthanasiés, «la situation risque d’empirer et les coyotes deviendront plus agressifs».

Dans 100% des cas où des coyotes ont eu ce type de comportement, c’est parce qu’ils étaient nourris par des citoyens.

Shelley Alexander, professeure à l’Université de Calgary.

Ce qui est perçu comme des attaques par la population sont en fait des comportements de défense de la part des animaux, dit-elle. «Il s’agit d’un avertissement», assure-t-elle. Idem pour les coyotes qui chargeraient des citoyens ou les suivraient.

Les coyotes essaient ainsi d’éloigner les humains de leur tanière pour protéger leurs chiots, «spécifiquement à ce temps-ci de l’année». Elle souligne qu’annuellement au Canada, seulement trois personnes, en moyenne, sont mordues par des coyotes.

À la suite d’un incident au cours duquel un garçon a été mordu par un de ces canidés en 2018, dans Ahuntsic, la SPCA de Montréal aurait recommandé à la Ville de travailler avec le groupe Coyote Watch Canada pour reprendre un certain contrôle sur les relations coyote-humain. «On leur a donné plein de ressources et d’exemples où les méthodes de l’organisme ont fonctionné», dit-elle sans savoir ce que sont devenues de ces recommandations.

Lors des incidents de 2018, les coyotes auraient été abattus, et les situations problématiques ne se seraient pas reproduites.

Des procédures non létales utilisées ailleurs au Canada.

Les protocoles mis en place par Coyote Watch Canada ont été prouvés efficaces. Ils auraient jusqu’à présent toujours mené à un succès lorsque le bon protocole est appliqué, indique Mme Gaillard.

«Dans plusieurs villes, les humains réussissent à cohabiter avec les coyotes. Il faut que les villes cessent de voir l’euthanasie comme une solution», dit la scientifique, Mme Alexander, qui collabore justement avec l’organisme spécialisé Coyote Watch Canada. «Les coyotes sont dans toutes les villes d’Amérique du Nord».

La ville de Niagara Falls, notamment, aurait réussi à éradiquer les conflits entre les coyotes et les humains en appliquant les protocoles de l’organisme.

Montréal ne précise pas si elle a mis en place les méthodes ayant démontré leur efficacité ailleurs au pays ni si d’autres recours ont été envisagés. Elle indique toutefois que la délocalisation n’est pas efficace. «L’ensemble des mesures préventives ont été mises en place depuis 2021», indique l’administration de la ville.

Il s’agit d’une situation exceptionnelle et de derniers recours pour le maintien de la sécurité dans le secteur.

La Ville de Montréal.

Parallèlement à la capture et à l’euthanasie des deux individus présentant des comportements agressifs, la Ville, RDP-PAT et le gouvernement du Québec mettront sur pied un groupe d’action pluridisciplinaire pour assurer la «coexistence paisible» entre humains et coyotes, précisait l’Arrondissement en avril. Le groupe mettra notamment en place des mesures pour assurer une meilleure gestion des matières résiduelles, s’attaquer au nourrissage de la faune et préserver les habitats naturels, tous des facteurs qui influencent la présence de coyotes.

Le Plan de gestion des coyotes de la Ville de Montréal sera également révisé.

Capturer un coyote, plus facile à dire qu’à faire

La Ville de Montréal est détentrice d’un permis SEG, permettant de capturer des animaux sauvages, notamment dans un contexte de gestion de la faune.

En automne, la Ville a mis sur pied une initiative de capture de ces animaux. Sans succès. Car les coyotes sont très sensibles aux changements dans leur environnement. Ils remarquent les pièges et les évitent.

La SPCA s’inquiète de la méthode employée pour capturer ces canidés. La Ville installerait des pièges à mâchoires coussinés, qui, en plus d’être violents et douloureux, pourraient capturer – et blesser – des animaux non ciblés. «On craint que les pièges capturent des animaux de compagnie comme des chiens, ou encore des animaux sauvages comme des ratons laveurs», dit la directrice générale Stéphanie Gaillard.

La Ville n’a pas spécifié si des mesures atténuantes seraient mises en place pour éviter de tels accidents. Elle assure toutefois que la séance de capture serait «très ciblée».

«Si d’autres coyotes devaient être capturés, ils seront munis d’une étiquette d’identification de couleur unique fixée à une oreille permettant ainsi d’identifier les individus» et permettant l’observation de coyotes en particulier, dit la Ville.

Mme Alexander confirme qu’une surveillance de l’espèce doit être faite, mais qu’une solution létale «ne réglera pas le problème au long terme». Il faudrait, selon elle, favoriser l’éducation des citoyens aux comportements des coyotes, et surtout, éviter de les nourrir. Une bonne gestion des déchets est également à prioriser.

Si on choisit d’abattre les individus posant problème plutôt que de les reconditionner à avoir peur de l’humain «on devra recommencer sans arrêt».

«C’est le nouveau monde dans lequel on vit, dit l’experte. Ces enjeux ne vont pas simplement s’en aller». La Ville, pour sa part, réitère qu’elle continuera ses opérations de sensibilisation et de prévention dans le but de favoriser une «cohabitation harmonieuse dans le secteur».

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