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Bienvenue à Pointe-aux-Coyotes

Les signalements de coyotes ont doublé par rapport à l'hiver 2022, ce qui fait craindre aux citoyens de vivre des restrictions comme celles de l’été dernier. Photo: Nicolas Monet/Métro

Fidèle à son habitude, Brigitte Morency marchait dans un sentier à l’entrée du parc de la Coulée-Grou, à Pointe-aux-Trembles, quand le poil de son berger australien s’est hérissé. Le chien s’est mis à grogner. «Je me sentais observée», se souvient-elle en relatant cette soirée de juillet 2022. Elle ne se trompait pas. Quatre coyotes avaient le regard rivé vers l’animal et sa maîtresse.

Soudainement, la meute a chargé Mme Morency. Son chien, dans un moment de panique, l’a fait chuter dans un fossé, directement dans un bosquet d’herbe à poux. Les marques de sa réaction allergique sévère à la mauvaise herbe sont encore visibles sur ses mains aujourd’hui.

Ce sont finalement les klaxons d’automobilistes sur la rue Sherbrooke, témoins de la scène, qui ont fait fuir les coyotes.

«Ça fait un an et j’en ai encore des cauchemars», laisse-t-elle tomber.

L’histoire de Brigitte Morency est loin d’être isolée, a pu constater Métro. Des résidents pris en souricières ou pourchassés des coyotes; d’autres qui ne peuvent pas sortir de leur voiture ou de leur maison parce qu’un coyote les guette à l’extérieur: c’est une Pointe-de-l’Île assiégée que décrivent les citoyens rencontrés.

«Vivre avec la nature, on l’a toujours fait», explique Francine Brouillette, qui réside depuis 2001 dans le quartier enclavé par des zones boisées, dont le parc-nature de la Pointe-aux-Prairies. Or, depuis 2020, les coyotes sont de plus en plus visibles, dans des endroits de plus en plus populeux, à toute heure du jour et de la nuit, selon les données de la Ville de Montréal.

Brigitte Morency vit sur la 132e Avenue, en face d’une aire de jeux pour enfants que les coyotes visitent fréquemment. «Je l’ai rebaptisé le “parc aux coyotes”», lance-t-elle.

Deux fois plus de signalements en 2023

Les coyotes font davantage ressentir leur présence depuis le début de l’hiver. Entre le 1er janvier et le 31 mars 2022, il y a eu 16 signalements à Rivière-des-Prairies–Pointe-aux-Trembles, contre 32 durant la même période en 2023.

Cette hausse fait craindre aux citoyens des restrictions comme celles de l’été dernier. De juin 2022 à décembre 2022, l’accès aux sentiers du parc de la Coulée-Grou a été interdit. On a également recommandé aux résidents de ne pas se promener après le crépuscule près du cimetière des Trembles. Des affiches annonçant la présence de coyotes ont été placardées partout dans le secteur.

«Ils jouent à la roulette russe avec nous», s’insurge Martine Fourcaudot, une résidente du quartier. «On est comme des citoyens de seconde zone». Si un coyote était observé à la place Ville-Marie, ou sur l’avenue Mont-Royal, la Ville serait beaucoup plus réactive, croit-elle.

Pourquoi faut-il attendre qu’un enfant se fasse mordre, comme à Ahuntsic [en 2017] pour que la Ville fasse quelque chose?

Martine Fourcaudot, résidente de Pointe-aux-Trembles

«Ce ne sont même plus des coyotes; moi, j’appelle ça des chiens sauvages», affirme Sylvie Berthiaume, qui réside à l’orée du parc de la Coulée-Grou. Le 8 janvier dernier, deux coyotes ont tenté d’attaquer ses trois chiens, qui étaient protégés par la clôture de sa cour arrière. «Ils sont habitués aux humains. Ils sont dangereux.»

Les autorités interviennent davantage après le signalement de «chiens agressifs errants» que de «coyotes agressifs errants», estime-t-elle. «Si je vois un coyote, je vais dire que c’est un chien. Quand on dit “coyote”, ils se bouchent les oreilles.»

Marjolaine Perrault s’est fait attaquer deux fois à côté de chez elle alors qu’elle promenait son teckel, en juillet 2021 et en mai 2022. «Ça induit un sentiment de frayeur», explique-t-elle.

Sylvie Berthiaume abonde dans le même sens. «Je vois les élèves marcher, pis je me dis: “Mon Dieu, j’espère qu’il n’y en a pas [des coyotes]”. C’est automatique.»

Une affiche annonçant la présence de coyotes, à l’entrée du parc de la Coulée-Grou. Nicolas Monet/Métro.

La cohabitation avec les coyotes encouragée

La Ville de Montréal prône la cohabitation avec les coyotes, conformément au plan de gestion adopté en 2018. «C’est beau sur papier, mais dans la réalité, pour les citoyens qui le vivent, c’est l’enfer», laisse tomber Martine Fourcaudot.

«La Ville de Montréal prend la situation du coyote très au sérieux. Elle fait un suivi quotidien de la présence de coyotes partout sur son territoire et déploie des mesures adaptées au besoin», déclare une porte-parole de la Ville, par courriel. La demande d’entrevue de Métro avec un responsable du Service des grands parcs, du Mont-Royal et des sports de la Ville de Montréal a été déclinée.

La Ville de Montréal n’a pas documenté de comportement préoccupant dans le secteur de Pointe-aux-Trembles récemment.

Une porte-parole de la Ville de Montréal 

La Ville priorise «l’effarouchement» des coyotes – soit leur réinstaurer la crainte des humains – à la capture. Toutefois, les études concluent que l’effarouchement a «peu d’effets positifs à long terme» et qu’il «est inefficace pour les coyotes qui semblent n’avoir aucune crainte des humains ou qui présentent des comportements agressifs envers ces derniers», mentionne-t-on dans le plan de gestion.

À la recommandation de la Ville, les résidents se sont équipés en vain de sifflets, de poivre de cayenne et de bouteilles de plastique remplies de sous afin d’effaroucher les canidés, explique Francine Brouillette. «Les sifflets, les bras dans les airs, oublie ça. Ils n’ont pas peur.»

Une campagne de capture a eu lieu dans le secteur de la Coulée Grou entre août 2022 et octobre 2022. Aucune capture n’a été effectuée, puisque les coyotes sont demeurés «très discrets» et qu’ils «ne représentaient pas de risque», explique une porte-parole de la Ville de Montréal. La Ville «pourrait redéployer des pièges si la situation l’exigeait», précise-t-elle.

Par ailleurs, la Ville de Montréal envisage de fermer à nouveau temporairement des sentiers du parc de la Coulée-Grou, «si la situation venait à le justifier», confirme la Ville à Métro.

À lire aussi: Y a-t-il encore des coyotes à Montréal?

Il y a eu 4 morsures de coyotes à Montréal depuis 2021, tous dans le secteur de la Coulée Grou.

Source : Ville de Montréal

Un CPE préoccupé

Le 9 mars dernier, à 15h, un gros coyote gris, qui jouit désormais d’une certaine notoriété dans le quartier, a traversé Sherbrooke Est et s’est dirigé vers le CPE Mademoiselle Pluche.

«Il n’avait pas l’air en forme», se rappelle la directrice générale du CPE, Jocelyne Caron. Le canidé ne semblait nullement préoccupé par la présence humaine. Il s’est finalement redirigé vers l’école secondaire Pointe-aux-Trembles.

Depuis la présence accrue de coyotes à proximité, la directrice est prise entre deux groupes de parents: ceux qui prônent la cohabitation et ceux qui exigent des actions plus concrètes, dont la capture. Mme Caron est en attente d’une communication écrite officielle de Frédéric Bussière, responsable de la gestion des coyotes à la Ville de Montréal, confirmant que le risque pour les enfants est «faible» et qu’elle pourra envoyer aux parents pour les rassurer. Mais on peut pas lui garantir l’absence de tout danger.

La présence des coyotes la préoccupe tout de même. Non simplement parce qu’il s’agit de coyotes, mais parce qu’ils adoptent des comportements inhabituels et ne craignent pas les humains.

Honnêtement, je suis inquiète quand les enfants partent dans le bois.

Jocelyne Caron, directrice générale du CPE Mademoiselle Pluche

Le coyote signalé le 9 mars n’a pas été considéré comme préoccupant, puisqu’il «n’a manifesté aucun comportement anormal», précise la Ville de Montréal dans un courriel à Métro.

Un coyote observé au coin des rues Camille-Laurin et Jules-Huot, à Pointe-aux-Trembles, le 29 mars 2022. Gracieuseté.

Pas «anti-coyotes»

Les citoyens rencontrés par Métro sont catégoriques: ils ne sont pas «anti-coyotes». Seulement quelques coyotes sont problématiques, soulignent-ils, et ils ne leur veulent pas de mal.

À l’automne 2022, Sylvie Berthiaume a tenté de dissuader un voisin exaspéré par la présence des coyotes de poser de la viande hachée avec des broches de métal à l’intérieur – un piège mortel. Elle lui a expliqué qu’il mettait toute la faune, notamment les chiens domestiques du voisinage à risque.

«Ça me fait peur», déclare Mme Berthiaume. «Ils vont tuer combien d’animaux avant de tuer un coyote?»

Martine Fourcaudot craint également que l’inaction de la Ville mène à des comportements dangereux de la part de ces concitoyens. À la suite d’un article sur les coyotes paru dans le Journal de Montréal l’été dernier, on lui a écrit pour lui proposer d’exterminer les coyotes. «[La Ville] attend que le monde se radicalise, et qu’ils attaquent des coyotes», laisse-t-elle tomber.

Le Service des grands parcs, du Mont-Royal et des sports de la Ville de Montréal et le ministère de l’Environnement du Québec tiendront le 12 avril une séance d’information sur la présence des coyotes dans l’arrondissement de Rivière-des-Prairies–Pointe-aux-Trembles et sur les actions à venir.

À lire aussi: Que faire si on tombe nez à nez avec un coyote?

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