Soutenez

Dans les coulisses du chantier patrimonial de Saint-Esprit-de-Rosemont

Gérard Dion, architecte et Ronaldo Mendez, surintendant du chantier, devant la cloche de l’église. Photo: Caroline Lefer-Palos/Métro Média

Rénover la seule église de style Art déco du Québec est un défi de taille. Il faut tout démanteler sans rien abîmer, puis reconstruire comme c’était à l’origine. Pour comprendre comment se déroule une entreprise aussi délicate, Métro a visité les coulisses du chantier de l’église Saint-Esprit-de-Rosemont.

L’église emblématique de la rue Masson a été inaugurée en 1933. Il y a sept ans, d’importants travaux de rénovation ont été entamés sur ses façades extérieures. Cette année, c’est au tour de son clocher d’être restauré, car celui-ci menaçait de s’effondrer.

Le bâtiment est composé de trois couches : l’ossature est en béton armé, l’enrobage est en briques et la partie visible est en pierre. Contrairement aux nouvelles bâtisses, les anciennes constructions ne laissent pas d’espace entre le parement et la structure, ce qui empêche l’évacuation d’eau. Comme les joints n’ont pas été refaits depuis sa construction, l’eau s’est infiltrée dans toutes les couches de l’immeuble.

« Avant les travaux, on ne peut pas savoir dans quel état on va trouver la structure. Et là, on a eu des surprises. Il y a beaucoup plus de réparations que l’on pensait. Les briques n’étaient plus liées à la structure, on en a beaucoup enlevé », explique Gérard Dion, l’architecte du chantier. Durant le démantèlement, l’équipe s’est rendu compte que les briques et les pierres avaient bougé. Les infiltrations ont abîmé le mortier qui les liait et comme autrefois les bâtisseurs ne mettaient pas d’attaches en acier, l’ensemble n’était plus fixé. De plus, l’eau a fragilisé la structure en béton armé. Pour résumer, le clocher était comme une éponge constituée de blocs libres. « Si les joints avaient été entretenus, l’eau ne se serait pas infiltrée et cela aurait pu durer encore 100 ans », estime M. Dion.

Un casse-tête géant

L’ensemble du clocher est composé de 1650 pierres. Une centaine d’entre elles sera remplacée.

Entrepreneur patrimonial, Atwill Morin a démantelé le clocher pierre par pierre. Il les a d’abord détachées en enlevant le mortier, puis les a déplacées avec précaution à l’aide d’une grue. L’architecte a ensuite apposé un sceau en laiton sur chacune d’elle pour les identifier. Elles sont répertoriées sur un plan de l’église afin de pouvoir les replacer par la suite au même endroit.

Les pierres abîmées sont soit réparées avec du mortier, composé d’un mélange de pierre de calcaire broyée et d’une sorte de colle; soit comblée avec un flipot, une pièce taillée dans le même type de pierre, si le dégât est trop important.

« Pour le remplacement, on s’approvisionne dans la meilleure carrière de pierre du Québec, à Saint-Marc-des-Carrières. Mais les pierres d’origines viennent sûrement de l’ancienne carrière de Montréal. Elles n’ont pas de teintes rosées comme certaines pierres que l’on peut voir dans le vieux Montréal, qui venaient des chutes du Niagara », raconte Gérard Dion.

Comme l’église est un bâtiment patrimonial, tout doit être refait comme à l’époque de sa construction. L’entrepreneur reprend les mêmes plans et matériaux. « On utilise vraiment les mêmes méthodes et mortiers d’autrefois, avec les mêmes formules à la chaux. Par contre, les mortiers on les achète maintenant prémélangés dans des sacs alors qu’avant, ils les mélangeaient sur place », s’amuse l’architecte. 

Le haut du clocher, c’est-à-dire son toit en cuivre et la partie qui soutient la cloche, sera prêt pour Noël. Il faudra ensuite refaire la partie basse du clocher, celle qui comporte les vitraux. « On ne pense pas tout terminer parce que nous n’aurons pas les budgets nécessaires. Donc ça va être comme une première phase de restauration », conclut M. Dion.

Les 5 défis de la restauration du clocher de l’église

1: L’installation de l’échafaudage : Comme le clocher menaçait de s’effondrer, l’entrepreneur a dû d’abord installer une consolidation autour des colonnes avant de pouvoir poser l’échafaudage. 

2: Commencer le démantèlement

Les conditions étaient dangereuses. À cause des infiltrations et du manque d’ancrage, toutes les pierres et les mortiers se décollaient facilement. Dans le clocher, l’équipe a dû fabriquer des gabarits de bois sur mesure afin de soutenir les arches, le temps d’enlever les pierres non fixées qui pouvaient tomber à tout moment.

3: La logistique du démantèlement

Le démantèlement a été une opération très délicate. Il faut d’abord identifier toutes les pierres puis les enlever sans déstabiliser le clocher. Il est difficile de travailler avec des pierres de grandes dimensions pesant environ deux tonnes chacune.

4: La restauration des pierres

Il faut réparer les pierres et remplacer celles qui sont trop abîmées. Un travail qui demande un grand savoir de la part des tailleurs de pierre.

5: La réinstallation des pierres

La remise en place des pierres de parement sera un casse-tête géant, car il faudra les replacer à leur emplacement exact.

Articles récents du même sujet

Mon
Métro

Découvrez nos infolettres !

Le meilleur moyen de rester brancher sur les nouvelles de Montréal et votre quartier.