Danser pour se dégourdir les jambes et l’esprit
Depuis 2010, Prima Danse travaille à dégourdir les jambes, mais surtout l’esprit. La danse est ainsi l’outil de travail des intervenants sociaux de l’organisme, lesquels aident les populations vulnérables à faire face à des enjeux qui leur sont propres. Les plus jeunes comme les plus vieux sont invités à s’exprimer à leur façon au rythme de la musique.
«On s’est comme enflammé!», s’exclame Marie-Pier, une intervenante de Prima Danse, qui anime un atelier dans un local de la bibliothèque de Rosemont.
Ceux qui ont mis le feu à la piste de danse sont une quinzaine d’aînés du quartier. Une douce euphorie a gagné chacun d’eux, si on se fie aux nombreux sourires, aux yeux qui pétillent et aux rires qui résonnent dans la petite salle.
«On dit que la natation, c’est une belle façon de se garder en forme. La danse, c’est encore plus accessible […]. On bouge, on travaille notre mémoire, notre coordination, notre équilibre. On ressent une joie de vivre et on se sent très fière de soi», croit Jacqueline.
Il suffit de les regarder se trémousser pour comprendre que ce n’est pas l’âge qui empêchera ces aînés de danser, mais bien l’isolement social progressif qu’ils peuvent vivre. Une réalité plutôt cruelle pour des personnes qui ont vécu la génération disco, lance Jacqueline.
«Il n’y a plus de place pour nous», ajoute une autre participante, Marlène. «Ce n’est pas parce qu’on a 65 ans qu’on ne danse plus», renchérit Monique, qui fait savoir qu’elle aime goûter à tous les styles de danse: contemporaine, rock and roll, salsa, etc.
Grâce aux ateliers de Prima Danse, les danseurs disent avoir trouvé un espace sûr pour retisser des liens sociaux qui se sont distendus pendant la pandémie. Et surtout, pour se remettre en forme. «Les professeurs sont bien respectueux de nos limites. C’est inclusif, assure Marlène. Quand on est plus âgés, et que ça fait longtemps qu’on n’a pas dansé ou bougé, c’est gênant d’aller dans des endroits où il y a une notion de performance.»
Il faut donc se garder de lui dire qu’une bibliothécaire curieuse est venue s’installer sur le seuil de la porte pour les regarder enchaîner les mouvements d’une chorégraphie, le sourire en coin.
Outre l’enjeu singulier de l’isolement chez les personnes âgées, Prima Danse aborde quantité d’autres thèmes à travers les programmes qu’elle élabore pour divers types de clientèles, notamment les jeunes, explique sa cofondatrice, Katrina Journeau.
La communication est un art difficile à maîtriser, surtout lorsqu’il est question d’aborder un éventail de sujets plus sensibles avec des individus qui tendent à fuir les discours moralisateurs. «En utilisant le langage non verbal plutôt que la parole, on se rend compte qu’avec les jeunes, c’est un bon moyen de s’exprimer parce que la gestion de ses émotions et les verbaliser, ce n’est pas toujours évident. On peut aborder des enjeux plus sérieux», souligne Mme Journeau.
Plus précisément, l’intimidation, l’hypersexualisation, les stéréotypes de genre et l’inclusion sociale sont les enjeux qui sont abordés.
Pour illustrer ses propos, la cofondatrice de Prima Danse mentionne que l’organisation a récemment fait un tour dans une école de Saint-Léonard pour intervenir auprès d’une vingtaine de jeunes qui ont été témoins de violence intrafamiliale ou qui en ont subi. Deux intervenants les ont initiés au krump, un style de danse qui permet d’évacuer la rage et la colère par l’entremise de mouvements de danse rapides d’apparence agressive.
Les demandes pour ce type d’intervention sociale par la danse augmentent, tant dans le milieu scolaire que communautaire, affirme Katrina Journeau. Il s’agirait d’un autre effet direct de la pandémie, souligne-t-elle.
«Avant la COVID, il fallait convaincre les gens que la danse pouvait faire du bien. Maintenant, le message transmis par le gouvernement, dans les médias, c’est que le sport en général fait du bien au physique et au mental. On n’a plus besoin de convaincre personne.»