Un campement d’itinérants à l’ombre des tours à condos
À l’ombre des tours à condos cossues de Griffintown et à un jet de pierre d’une des entrées du centre-ville de Montréal, se cache une résidence d’itinérant unique et fort impressionnante. Des milliers d’automobilistes passent devant elle à tous les jours sans jamais la voir.
C’est entre les rues Murray et Wellington, au nord du viaduc qui enjambe le Canal Lachine, que se trouve le campement.
La principale composante de l’espace de plus d’une centaine de mètres carré est une tente où dorment les résidents du campement. Composée de toiles et de matériaux de construction rejetés, cette dernière est dotée d’une entrée en bois, soutenue par des briques et couverte de tapis. Elle est même équipée d’un système de chauffage au propane. Quelques sacs remplis de bouteilles et de canettes consignées sont déposés aux abords de la structure.
Au fond du lot, on aperçoit un espace de rangement improvisé créé à partir d’un parasol et de quelques toiles de construction. Une vielle bicyclette en assez bon état, mais aux chaînes rouillées, y est stationnée. Vêtements, tapis, cordes, sacs, planches de bois, guenilles et une foulée d’autres matériaux quelconques y sont rangés.
Entre ces deux «pièces» se situe une construction qui, à première vue, semble simplement être une pile de briques bien empilées. Il s’agit en fait d’un gril qui s’alimente avec les mêmes bonbonnes de propane qui chauffent la tente. D’ailleurs, une quinzaine de ces bouteilles vides ont été laissées sur sol et sur la chaise placée directement devant l’espace de cuisson.
Le reste de la zone est occupé principalement par de gros morceaux de divers types de bois qui ont été utilisés pour construire une structure inachevée, située en plein centre du terrain.
C’est un phénomène rare à Montréal, selon la coordonnatrice adjointe du Réseau d’aide aux personnes seules et itinérantes de Montréal (RAPSIM), Marjolaine Despares. «Les espaces de la ville sont concertés pour que les gens aient accès à des ressources d’hébergement d’urgence et des haltes de chaleur. Il y a assez de ressources pour les personnes qui en ont besoin», explique-t-elle.
Mais qui y habite?
TC Media s’est présenté sur lieux à quelques reprises afin de parler aux habitants du campement, sans succès. Une note a même été laissée à l’entrée de la tente, les invitant à nous contacter.
Francine Nadler, coordonnatrice de programme à la Maison Benoit Labre, un refuge de jour pour sans-abris située sur la rue Young, à proximité du campement, dit connaître au moins deux des hommes qui y habitent.
«Un d’entre eux est possiblement en prison présentement. Ça fait quelques semaines que je n’ai pas vu l’autre», raconte-t-elle.
Raphaël Bergeron, porte-parole du Service de police de la Ville de Montréal, affirme que son équipe mobile de référence et d’intervention en itinérance travaille présentement avec l’organisme pour tenter de relocaliser ces hommes dans un refuge, bien qu’ils n’aient jamais troublé la paix publique.
Selon Mme Nadler, il est possible que les occupants du lieu n’aient pas le désir de déménager. «Beaucoup d’itinérants n’iront jamais dans une mission même s’il fait un temps glacial dehors. Ils préfèrent tenter leur chance dans leur tente. Certains d’entre eux sont dans la rue depuis tellement longtemps qu’entrer à l’intérieur est insoutenable. Ils ne peuvent pas respirer», soutient-elle.
Occuper l’espace public sans autorisation est illégal dans le Sud-Ouest, mais l’arrondissement soutient qu’il fait preuve d’une grande tolérance envers les sans-abris, qui sont installés dans le secteur en question depuis de nombreuses années.