«Au-delà du papier»: une réflexion sur l’avenir de l’héritage écrit
À un moment crucial de l’histoire de l’humanité où l’abandon progressif du papier et la migration vers le numérique soulèvent un enjeu important pour la transmission de la mémoire collective, la cinéaste Oana Suteu Khintirian se questionne sur l’impact de la disparition des supports matériels sur la pensée et l’apprentissage.
Dans son premier long-métrage documentaire Au-delà du papier, la réalisatrice roumano-arménienne entreprend un périple à travers la planète, cherchant à comprendre comment l’humanité peut mieux assurer la transmission de l’héritage écrit.
Dans une quête personnelle pour comprendre également comment préserver son propre patrimoine familial, elle visite plusieurs bibliothèques, dont l’une des plus anciennes au monde, en Mauritanie, et va à la rencontre de sa famille, d’enfants, de penseurs et de passionnés d’archives, à Montréal comme ailleurs.
«No more books!»
Si c’est la décision de l’école de son fils, située dans l’arrondissement d’Outremont, d’abandonner les supports imprimés pour l’enseignement au profit du numérique qui a poussé la cinéaste à se questionner sur l’héritage qu’elle pourra léguer à son fils, Mme Suteu Khintirian dit avoir commencé à s’intéresser aux enjeux de la révolution numérique depuis les années 2000.
«Ma recherche a commencé lorsque j’ai constaté que moi et mes amis avions commencé à échanger par internet et que nous nous n’écrivions plus de lettres», raconte la cinéaste, qui est arrivée à Montréal en 1995 avec comme seul bagage des livres, des photographies et des lettres manuscrites échangées entre ses ancêtres arméniens et roumains.
Une décennie plus tard, elle aurait aperçu pour la première fois «l’image d’un futur où les livres n’existeraient plus», dans un reportage de la CBS portant sur la première école qui a introduit les manuels numériques en 2005, l’Empire High School, en Arizona.
«Ça m’a marquée profondément d’entendre les enfants crier avec une immense joie ‘’No more books!’’, parce que, pour moi, la bibliothèque où ma mère travaillait à Bucarest était un paradis.»
Tourner la page
Dans son film, la réalisatrice, monteuse et artiste médiatique dit s’inquiéter de la «sérénité avec laquelle les enfants tournent la page» face à la migration de l’éducation vers des outils numériques.
L’obsolescence des livres pose un grand défi à la transmission de connaissances et de l’héritage écrit.
Oana Suteu Khintirian, cinéaste
Elle nous amène à réfléchir à «ce qui se perd» chaque fois que nous adoptons un nouvel outil, abordant l’enjeu que pose la multiplication de moyens d’archivage d’information numériques pour la conservation de la mémoire collective.
«Ç’a pris des siècles pour qu’on arrive à développer des outils sur lesquels on a écrit. D’abord la pierre, puis le papier. La technologie va toujours accompagner l’humanité, mais il faut qu’on réfléchisse à son impact sur le futur.»
Au-delà du papier sera en salle dès le 7 avril à la Cinémathèque québécoise, à Montréal, et au cinéma Le Clap Place Sainte-Foy, à Québec. Le film sera aussi présenté les 8 et 11 avril au Festival cinéma du monde de Sherbrooke.
Ce texte a été produit dans le cadre de L’Initiative de journalisme local.