Course contre la montre pour une crèmerie qui perd son local
Julie Boisvert, propriétaire de la crèmerie Archicrème, se retrouve dans une course contre la montre pour sauver sa saison estivale. Après dix ans à fabriquer et à servir ses crèmes glacées, l’entrepreneure pourrait être forcée de fermer boutique après le non-renouvellement de son bail.
Le propriétaire Gaétan Lebel a acquis le bâtiment situé au 753, rue Villeray du conjoint de Mme Boisvert il y a cinq ans pour y ouvrir le Café Perko, juste à côté d’Archicrème. Au début du mois d’avril, il a indiqué à sa locataire qu’il récupérait le local afin d’y créer Augustin Bar Laitier. Un projet qu’il assure lui avoir annoncé au moment du rachat du bâtiment.
Julie Boisvert, qui voulait «poursuivre sa crèmerie bâtie en 2012», voit ainsi son projet compromis.

«Je me sens un peu larguée, confie Julie Boisvert à Métro. Mon bail venait à terme et il y avait une option de rediscuter et renouveler. [….] Je voulais continuer pour cinq ans, mais les discussions se sont arrêtées en avril», explique-t-elle.
Elle est à présent à la recherche d’un plan de secours, mais n’a toujours pas de solution.
«Je reste ouverte à toutes les propositions. Je regarde les locaux disponibles jusqu’à peut-être le mois de mai», explique-t-elle.
Pause forcée
Si Mme Boisvert déplace Archicrème, elle le ferait de préférence dans le quartier Villeray, où elle a bâti une «clientèle fidèle». Selon la femme d’affaires, si elle s’installe plus loin qu’à cinq kilomètres de sa boutique d’origine, elle perdra alors des clients.
Mais que ce soit dans l’arrondissement ou ailleurs, le local idéal est difficile à dénicher.
«Les loyers ont augmenté et je ne pourrais pas être saisonnière dans ces logements-là. Si demain je trouve un local, il faudra qu’il soit parfait, qu’il n’y ait pas besoin de faire intervenir un électricien, un menuisier», poursuit-elle.
La seule solution viable pour elle, sur le plan locatif, serait de se lancer dans un projet à l’année.
Si je fais ça, je dois refaire les prévisions budgétaires, il y a des délais pour trouver l’endroit et s’y installer… Je pense que je vais passer à côté de la saison.
Julie Boisvert, propriétaire d’Archicrème
À ce stade, la plupart de ses employés habituels se sont trouvé un autre emploi pour l’été. La pause semble inévitable pour 2022.
Des clients se mobilisent
Après l’annonce du non-renouvellement du bail locatif d’Archicrème sur les réseaux sociaux, les fidèles de la crèmerie ont envoyé de nombreux messages de soutien. La publication avait cumulé plus de 100 commentaires en date du 29 avril.
Parmi eux, on retrouve de nombreuses suggestions d’emplacement pour relocaliser la boutique. Comme le précise Julie Boisvert, «nous ne désespérons pas de rouvrir dans Villeray et nous vous tiendrons au courant de l’évolution du projet».
Nombre d’internautes ont aussi reproché au propriétaire du bâtiment de ne pas avoir renouvelé le bail pour y lancer le même type de commerce.
«Ils ont le droit de reprendre ce bâtiment commercial, reconnaît la propriétaire d’Archicrème. S’ils m’avaient dit “on va agrandir le café”, pourquoi pas? […] Mais là, on m’enlève mon entreprise établie depuis 10 ans pour refaire la même chose au même endroit.»
Elle considère comme injuste le fait de «surfer» sur une clientèle qu’elle a bâtie au cours de la dernière décennie.
Touché par la situation
Si Julie Boisvert s’estime lésée dans cette affaire, Gaétan Lebel affirme de son côté qu’elle était au courant que ça s’en venait.
J’ai voulu reprendre mon local, elle savait tout ça. Il y a une vraie campagne contre nous sur les réseaux sociaux, c’est injuste.
Gaétan Lebel, propriétaire du local
Plusieurs internautes ont en effet déjà annoncé leur intention de boycotter Augustin Bar Laitier et le Café Perko, qui est géré par la fille de M. Lebel. D’autres y voient une nouvelle illustration de la «gentrification» du quartier.
M. Lebel estime également injuste «l’interprétation de la transaction par Julie». «J’ai respecté son bail jusqu’au bout. Pourquoi aujourd’hui je ne pourrais pas utiliser le local pour vendre de la crème glacée? Pourquoi on me le reproche? Ça me semble extrêmement logique», estime l’ancien président des Aliments Lebel, qui produisaient notamment des crèmes glacées.