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En attente d’un logement décent et abordable depuis huit ans

Logements sociaux
La demande pour avoir accès à un logement à loyer modique ou à une subvention du Programme de supplément au loyer ne cesse de s’accroître à Montréal. Photo: Jason Paré/Métro Média

La demande pour avoir accès à une habitation à loyer modique (HLM) ou à une subvention du Programme de supplément au loyer (PSL) ne cesse d’augmenter dans le quartier Parc-Extension, à Montréal. Selon le Comité d’action de Parc-Extension, 464 familles et 189 aînés sont actuellement inscrits sur la liste d’attente de l’Office municipal d’habitation de Montréal.

L’Office municipal d’habitation de Montréal indique pour sa part que 23 784 ménages étaient sur sa liste d’attente au 31 décembre 2021. Dans l’arrondissement de Villeray–Saint-Michel–Parc-Extension, 3041 ménages sont actuellement en attente.

De plus longs délais

Gomati Patel occupe le même appartement à Parc-Extension depuis 2006. Veuve depuis 2018, elle partage actuellement le logement de deux chambres à coucher avec son fils âgé de 15 ans, son frère et son neveu.

«J’ai soumis quatre demandes pour une HLM avant le décès de mon mari», dit Mme Patel, qui est inscrite sur la liste d’attente de l’Office municipal d’habitation de Montréal depuis 2014. Au printemps 2020, elle se trouvait tout juste au-dessus du 600e rang sur la liste.

«J’attends et j’attends, mais je ne peux rien y faire», déplore la femme de 49 ans originaire de l’Inde.

Le délai d’attente moyen pour avoir accès à un logement abordable est passé de 4,8 ans en 2018 à 5,7 ans en 2021, selon les données de l’organisme.

Des logements vétustes

«Mon fils ne veut pas déménager, car il a grandi dans cet appartement, mais celui-ci est difficile à chauffer et nous avons des problèmes d’eau et avec la toilette. Nous avons eu des plaintes du locataire au-dessous de nous», raconte Mme Patel, qui doit faire son lavage dans une buanderie du quartier depuis près de 17 ans.

Il est interdit d’installer une laveuse ou une sécheuse dans l’appartement pour éviter d’avoir de la moisissure.

Gomati Patel, établie au Québec depuis 2004

«Beaucoup de propriétaires refusent de faire des réparations et [les appartements] deviennent de plus en plus dangereux pour les locataires. Deux immeubles ont même dû être barricadés dans le quartier dernièrement», dit Amy Darwish, coordonnatrice du Comité d’action de Parc-Extension, organisme voué à la défense des droits des locataires et à la promotion du logement social dans Parc-Extension.

Selon le dernier rapport annuel de l’Office municipal d’habitation de Montréal, 49% des logements dans l’arrondissement ont été construits avant 1961 et 9% avaient besoin de réparations majeures.

Sous-financement

La fin des conventions de financement du gouvernement fédéral affecte jusqu’à 30% des logements du parc HLM depuis le 1er janvier 2022 et ce chiffre grimpera à 63% d’ici le 31 décembre 2026, selon l’organisme. Le gouvernement fédéral ne participe plus au financement du déficit d’exploitation et de la réalisation des travaux majeurs par le biais du programme de remplacement, d’amélioration et de modernisation (RAM).

La situation est d’autant plus inquiétante que l’indice de vétusté des immeubles du parc HLM ne cesse de croître. Le parc de logements HLM est en très mauvais état et exige un investissement de l’ordre de 150 M$ par année pour les 20 prochaines années, indique l’organisme.

Montréal compte actuellement 20 810 unités HLM sur son territoire. C’est le même nombre d’unités depuis 1994.

Mathieu Vachon, directeur du Service des communications à l’Office municipal d’habitation de Montréal

Soutien aux locataires à faible revenu

En 2016, 7,7% des ménages de Villeray-Saint-Michel-Parc Extension vivaient dans un logement subventionné, et 34% des locataires dans cet arrondissement consacraient plus de 30% de leur revenu au logement.

Mme Patel doit débourser près de 650 $ par mois pour se loger, ce qui équivaut à près de 40% de son revenu.

«Lorsqu’une personne est sur la liste d’attente, elle peut être éligible au Programme de supplément au loyer tout en demeurant dans son logement», explique Sohnia Karamat Ali, agente de mobilisation du Comité d’action de Parc-Extension.

Ce programme permet aux ménages à faible revenu d’occuper des logements privés ou qui appartiennent à des coopératives d’habitation ou à des organismes sans but lucratif en payant uniquement 25% du loyer.

«Les règles sont les mêmes pour l’accès aux HLM ou au PSL, qui est un outil supplémentaire qui nous permet d’offrir des logements subventionnés aux locataires à faible revenu, faute de HLM disponibles», souligne M. Vachon, en précisant que certains organismes à but non lucratif et coopératives d’habitation comptent des unités rattachées au PSL.

«Étant des entités autonomes, elles gèrent elles-mêmes leurs listes d’attente et la sélection des locataires, mais c’est l’Office municipal d’habitation de Montréal qui vérifie leur admissibilité au programme et gère les subventions octroyées.»

Surpopulation

«L’enjeu principal à Parc-Ex est la surpopulation des logements», lance Mme Karamat Ali, qui déplore que les grandes familles, notamment, ne puissent pas avoir accès à des logements décents, faute d’admissibilité à l’aide financière de l’Office municipal d’habitation de Montréal.

Dans le recensement de la population de 2016, Villeray–Saint-Michel–Parc-Extension se classait au 2e rang sur 19 arrondissements à Montréal pour la taille de sa population, avec une densité de 8723,7 habitants au kilomètre carré. Près de 70% des résidents de l’arrondissement étaient nés à l’étranger ou avaient au moins un parent né à l’extérieur du Canada.

On retrouve des familles avec plusieurs enfants vivant dans de très petits appartements avec une ou deux chambres à coucher. Ça crée des problèmes d’insalubrité et de santé pour ces familles, qui doivent même parfois cohabiter avec d’autres familles.

Sohnia Karamat Ali, Comité d’action de Parc-Extension

Gomati Patel ne s’attend pas à pouvoir bientôt accéder à une HLM pour elle et sa famille, mais elle entretient l’espoir de trouver une place dans l’une des deux coopératives d’habitation de Parc-Ex auxquelles elle a soumis des demandes récemment.

Elle attend également une réponse à la demande qu’elle a transmise à Revenu Québec pour bénéficier du programme Allocation logement, qui pourrait lui fournir une aide allant jusqu’à 170 $ par mois.

Revendications à Parc-Ex

Plusieurs projets de logements sociaux au Québec sont actuellement sur la glace faute de financement, dont un projet de 31 unités à Parc-Extension, deux projets de 155 unités à Côte-des-Neiges et un projet de 230 unités dans le Centre-Sud.

Des locataires et des comités logement se sont réunis devant le bureau national de la Coalition avenir Québec (CAQ) à Montréal le 31 octobre pour réclamer un réinvestissement dans le programme AccèsLogis et la réalisation de 50 000 logements sociaux dans les cinq prochaines années.

Quelques semaines plus tôt, plus de 30 locataires se sont rassemblés pour revendiquer des logements sociaux au 7965, boulevard de l’Acadie, site sur lequel la Ville de Montréal dispose d’un droit de préemption. S’il était acquis par la Ville, le site pourrait fournir près de 35 logements sociaux à des locataires de Parc-Extension qui sont actuellement mal logés ou qui risquent d’être déplacés hors du quartier.

Ce texte a été produit dans le cadre de L’Initiative de journalisme local.

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