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Cré-moé, Cré-moé pas ? La poutine est née au marché Jean-Talon !

Drummondville et Victoriaville s’arrachent l’invention de la poutine depuis bientôt 60 ans. Une vraie joke ! C’est vrai que c’est amusant de s’obstiner sur un sujet pareil, ça fait jaser et ça ne fait pas de mal à personne. Je crois qu’en fait, que ce sont les besoins et les effectifs disponibles qui créent de telles inventions ou recettes, et souvent, au même moment parce que le contexte y est tout simplement. Si les gens ont froid, plusieurs inventeront le manteau en même temps. Voyez-vous ce que je veux dire ?
 

Unanimement, une poutine rassemble trois ingrédients; des pommes de terre frites, du fromage en grains et de la sauce brune. Maintenant, étudions chacun de ces éléments…

La pomme de terre ! Communément appelé la patate au Québec, est originaire des environs du lac Titicaca au Pérou. Les explorateurs européens l’ont rapporté d’Amérique du Sud au 16e siècle, et l’ont progressivement acclimatée au point d’en faire dès le 18e siècle, un ingrédient essentiel à leur alimentation. Sa facilité à cultiver, sa résistance au gel et sa capacité de conservation sont les grands avantages qu’elle possède. La pomme de terre a permis de nourrir beaucoup d’êtres humains dans l’histoire de l’humanité. Elle s’est retrouvée à la base de l’alimentation de plusieurs peuples y compris notre Nouvelle-France. Assurément, la pomme de terre n’est pas une invention ou une découverte québécoise, mais elle est bien ancrée dans nos traditions.

Le fromage en grains lui ! Communément nommé au Québec, fromage en crottes, est simplement un fromage cheddar qui n’a pas subi de pressage. Bien sûr, il est à son meilleur frais du jour. On situe ses origines vers 1950 dans la région du centre du Québec. À l’époque, il a pris naissance à cause d’une surproduction. Assurément, le fromage en grains est typiquement québécois. Ah que oui !

Enweye la sauce ! Pour la sauce brune, c’est plus compliqué. Les Français du 15e siècle en parlaient dans leurs recettes, les Espagnols et les Portugais aussi. Chose sûre, elle date de loin et n’est pas une invention québécoise.

Revenons à notre poutine ! Mais qui a rassemblé ces trois éléments? Incontestablement, c’est au Québec que ça s’est fait ! Mais, deux Centricois (les gens de la région centre du Québec) clament être les inventeurs de la poutine, Le Lutin qui rit de Warwick et Le Roy Jucep de Drummondville.

Primo ! L’histoire du restaurant Le Lutin qui rit de Warwick n’est pas cohérente. Je vous explique pourquoi ! L’histoire stipule qu’en 1957, un client nommé Eddy Lainesse, aurait demandé au propriétaire Fernand Lachance de transvider un casseau de fromage en grains dans son sac de patates frites. En réplique, le proprio aurait répondu;

« Ça va faire une maudite poutine! »

Bravo le Warwickois! Mais la sauce, est où ? Pis de la sauce dans un sac en papier brun, ça ne fait pas de la poutine, mais un méchant dégât. D’après les faits, Fernand Lachance n’a pas inventé la poutine, mais utilisé un slang de l’époque, pour signifier un étrange mélange, au même titre que la gibelotte. Demandez à quatre Québécois de différentes régions, qu’est-ce qu’une gibelotte selon eux ? Vous verrez que ce n’est pas la même chose partout. Ça dépend de ce qu’on retrouve dans leur région respective. Donc, la seule chose que M. Lachance peut revendiquer, c’est d’avoir utilisé le mot « poutine » lorsque le fromage en grains a rencontré les patates frites. Pas plus, pas moins! Et encore, elle est où la sauce?! Étrangement et avec toutes mes recherches, je n’ai jamais entendu parler de sauce dans son histoire. Et obligatoirement, dans une poutine, y a de la sauce! Mon analyse convient que Le Lutin qui rit de Warwick s’attribue l’invention de la poutine par manque de sauce quelque part. Et, ce n’est pas dans le bol !

Secundo ! Le restaurant de Drummondville appelé Le Roy Jucep, ouvert en 1956, et qui réclame également être l’inventeur de la poutine comme on la connaît aujourd’hui. Celle avec des patates frites, du fromage en grains et la sauce brune. Au moins lui, y a pas oublié la sauce ! Le Roy Jucep servait de la poutine mais aussi un jus d’orange appelé Jucep. Est-ce que ça vous sonne une cloche ? Son jus ressemblait étrangement à celui de M. Gibeau du fameux restaurant Orange Julep de Montréal ouvert depuis 1928. Ah Ah ! On a de quoi remettre l’intégrité de monsieur en cause ici y me semble! Parce que côté plagiat, y a déjà fait ses preuves là ! Julep, Jucep et jus d’orange! Allô! Ce Jean-Paul Roy et son Le Roy Jucep, se sont empressés de breveter le mélange (pommes de terre frites, fromages en grains et sauce brune) comme inventeur, pour l’utiliser comme marque de commerce dans son menu. Il est donc le seul à pouvoir s’afficher en tant qu’inventeur de la poutine. Mais en est-il vraiment l’inventeur ? Laissez-moi en douter fortement! Pourquoi ? Parce que j’ai la preuve qu’il se mangeait une mixture de patates frites, de fromage en crottes et de sauce brune, bien avant 1956.

Ma preuve ! Un bon matin du mois de juillet, je rencontre M. Pomerleau à notre beau marché Jean-Talon, un homme de 78 ans natif de St-Félix de Kinsey. Ce matin-là, on mangeait des crêpes bretonnes assis l’un à côté de l’autre ! Tout un personnage ce Lucien, ce fût une rencontre des plus agréables et intéressantes. Un bon vivant ! M. Pomerleau me racontait avoir travaillé au marché du nord (devenu notre marché Jean-Talon en 1982) de 1949 à 1953. Il me racontait que les travailleurs se préparaient un mélange (nommé mélange) de patates frites, de fromages en grains (les restants) et de sauce brune, dans des contenants Thermos avant de retourner vers la maison par la veille route. Parce que simplement, les producteurs et agriculteurs de l’époque se nourrissaient et nourrissaient leurs employés des restants. Du mélange, il s’en est nourri lui-même

« C’était bon pis ça nous gardait au chaud pour la route. En plus, ça bourrait et c’était facile à apporter parce que tout était dans le même pot. »

En conclusion et selon lui, la poutine nommée « mélange »  à l’époque, est née aux environs de 1950, au marché Jean-Talon. Mais elle est belle et bien une invention Centricoise (les gens de la région centre du Québec). Ce qui a du sens ! Comme je disais en l’introduction, ce sont les besoins et les effectifs disponibles qui créent des inventions ou des recettes, et souvent, au même moment parce que le contexte y est. Tout simplement.

Merci M. Pomerleau et bonne poutine à tous !

 Alain Bourgeois

Lespotinsdalain@gmail.com

P.S. Les endroits pour manger de la bonne poutine à Montréal sont ;

La Banquise, 994 Rue Rachel Est, Montréal, (514) 525-2415 ou www.labanquise.com

Frites Alors!, plusieurs adresses à Montréal, voir www.fritealors.com

Le Pourvoyeur, 184 rue Jean-Talon Est (sur le marché Jean-Talon), Montréal, (514) 277-5858 ou www.lepourvoyeur.com    

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