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Les Fourrures Ajamian: une tradition depuis 126 ans

Les fourrures Ajamian dans Villeray. Photo: TC Media/Isabelle Bergeron

 

Entre les rouleaux de tissus de la rue Saint-Hubert se cachent des manteaux et des étoles des Fourrures Ajamian, qui renferment les secrets d’une grande tradition familiale. Depuis trois générations, la famille agence les peaux de toutes sortes, tentant de garder son authenticité dans un monde en déclin.

Sarkis Ajamian est le fier petit fils de Garabed Zadikia, qui a fondé l’entreprise en Arménie en 1890. Il perpétue la tradition qui a fait vivre ses parents, venus vivre à Montréal à l’époque des Jeux olympiques. La boutique-atelier que tiennent aujourd’hui M. Ajamian et sa sœur, Jacqueline, a d’abord ouvert ses portes sur Saint-Hubert, près de la rue Villeray.

Tissée serrée, la famille a fait sa place sur le marché montréalais, parmi une centaine d’artisans de la fourrure qui vendaient leurs créations dans les enchères.

Pour M. Ajamian, l’excellence est de mise dans ce milieu où seulement une quinzaine d’entre eux tient encore debout.

«Je suis entré dans la fourrure, pour ne pas laisser mes parents faire tout. J’ai continué, et je me suis dit: si je fais de la fourrure, je veux être le meilleur», raconte-t-il, accoudé à son comptoir où s’étendent des peaux de vison, de lynx et des pièces de vieux manteaux de toutes les teintes, prêts pour une nouvelle vie.

Dans la vingtaine, il arrivait souvent à M. Ajamian de dormir sur sa table de travail, pour reprendre le boulot aux petites heures et dessiner de nouveaux modèles. Il étudiait la semaine au Collège LaSalle, en design de mode afin de faire vivre l’entreprise.

Sa sœur Jacqueline, ingénieure, s’occupe aujourd’hui la boutique au rez-de-chaussée pendant que son frère crée à l’étage.

Temps difficiles
Les premières années de la famille Ajamian au Québec n’ont pas été de tout repos.

Pendant les premiers trois mois, aucun client ne passe la porte de la boutique de la rue Saint-Hubert.

«On a commencé par travailler pour d’autres magasins de fourrure. Il y avait pas mal de détaillants qui amenaient les manteaux pour remodelage, et petit-à-petit on a commencé à avoir de la clientèle», se souvient M. Ajamian, aujourd’hui âgé de 59 ans.

Une accalmie de courte durée, puisque les temps sont devenus plus difficiles.

«En 1990, la fourrure a fait bang. Je me suis demandé quoi faire, si j’allais finir chauffeur de taxi. J’ai ramassé mes affaires et je suis allé aux États-Unis», raconte-t-il.

M. Ajamian fait alors la rencontre du propriétaire d’un célèbre magasin de fourrures américain, qui remplit son camion de morceaux à remodeler.

Petit à petit, la boutique reprend du poil de la bête. Au fil de ses tournées d’un mois aux États-Unis, où il revient le camion plein de fourrures qu’il entrepose dans un placard de son atelier, il gagne des acheteurs.

Au moment d’acheter la bâtisse actuelle, la famille joue le tout pour le tout.

«On avait 60 000$ à la banque. On s’est dit, ma sœur Jacqueline et moi, on donne tout notre argent, si on n’arrive pas, on va perdre tout, mais who cares

Marché
Aujourd’hui, des magasins du Connecticut, de Chicago, de New York et de Houston font des affaires avec le designer qui a grandi sur le boulevard de l’Acadie.

Pas moins de 80% des manteaux qu’il redessine et remodèle dans son atelier de la rue Saint-Hubert repartent vers les États-Unis.

«Mais c’est un monde difficile», prévient-il.

Quand ce n’est pas le dollar canadien qui est à la baisse, c’est la controverse entourant les peaux d’animaux qui frappe le commerce de graffitis.

«Je comprends qu’on peut penser que c’est mal. Mais si on regarde tous les tissus synthétiques, faits en plastiques qui vont polluer… Et en plus, mes manteaux moi vont de la grand-mère à la petite fille», fait-il valoir.

Avenir
À sa table de travail, M. Ajamian trace d’une main assurée le patron d’un manteau qu’il vendra bientôt dans sa boutique du rez-de-chaussée, après plus de 25 heures de travail.

«Villeray, ce sera bientôt le deuxième Plateau – Mont-Royal, lance-t-il, pensif. Ça va amener plus de monde ici.»

Le designer se dit plein d’idées pour la jeune clientèle locale, à qui le style rétro plaît de plus en plus. Il forme d’ailleurs des stagiaires du Collège Marie-Victorin à l’occasion.

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