L’appétit dévorant de l’humanité
Les scientifiques s’accordent pour dire qu’un désastre considérable se profile à l’horizon si l’humanité ne se sèvre pas des énergies fossiles. Métro tente de voir si la crise énergétique peut être résolue.
Charbon, pétrole, gaz naturel – les principales sources d’énergie, en 2017, sont fossiles. En fait, elles représentent 80% de la consommation énergétique mondiale. Les énergies renouvelables – comme l’éolien, le solaire et l’hydroélectrique – complètent le portrait.
«Le défi le plus important, c’est la demande croissante – venant aussi bien des pays en développement (où le développement industriel, par exemple, requiert beaucoup d’énergie) que des pays riches, où des innovations comme le véhicule électrique font augmenter la consommation énergétique – et la manière dont on gère la situation en essayant d’être le plus carboneutre possible», explique à Métro Valentin Robu, professeur adjoint spécialisé en réseau électrique intelligent à l’école d’ingénierie et de sciences physiques de l’université Heriot-Watt, à Londres.
L’essentiel de la demande vient des pays en développement. Si seulement une fraction des populations de l’Asie du Sud-Est, de l’Inde et de l’Afrique exigeait le même accès à l’air conditionné dans leur maison que les Nord-Américains ou les habitants des riches pays du Golfe, cela deviendrait vite intenable.
«Dans certains de ces pays, même s’il y a des progrès, le réseau énergétique est peu développé, voire inexistant, même pour des installations de base comme l’éclairage et la réfrigération à des fins alimentaires ou médicales, poursuit M. Robu. La clé, c’est de gérer cette demande et de développer de nouvelles technologies privilégiant, par exemple, un système de refroidissement à grande échelle, plutôt qu’une individualisation de l’air conditionné, qui fait en sorte que chacun achète son unité pour sa maison.»
Quelques solutions sont déjà envisagées. Des experts pensent que, d’ici 10 à 20 ans, plusieurs technologies de stockage seront rentables. L’Union européenne espère ainsi qu’en 2020, 500 millions de compteurs intelligents auront été installés dans les maisons afin de contrôler la consommation d’électricité, d’eau et de gaz.
Toutefois, la pollution constitue un autre problème très grave. L’émission d’importantes quantités de CO2 dans l’atmosphère a causé le réchauffement climatique. Selon les experts, la décarbonisation des transports est aujourd’hui un des enjeux majeurs. Le pétrole reste le carburant le plus commode, et il est difficile de le remplacer. Les voitures électriques sont une des solutions, mais elles sont encore chères, et leur batterie ne permet pas de conduire sur de longues distances. Et puis, il y a les véhicules sans conducteur, qui pourraient permettre de développer davantage le covoiturage et donc de réduire l’utilisation individuelle de l’auto.
«Il faut maintenir un équilibre entre les différentes sources d’énergie, mais en augmentant la part des énergies renouvelables et en réduisant celle des énergies fossiles», affirme Janusz Bialef, directeur du centre Skoltech pour les systèmes d’énergie, basé en Russie.
«Selon moi, la transition énergétique la plus importante sera la généralisation de la voiture électrique, poursuit M. Bialek. Nous sommes parvenus à aller sur la Lune il y a
50 ans en utilisant des ordinateurs moins puissants que nos calculatrices actuelles, alors je suis certain que nous trouverons un moyen de développer des technologies pour relever ces nouveaux défis.»
«La gestion de la demande est cruciale»
Entrevue avec le professeur adjoint spécialisé en réseau électrique intelligent à l’école d’ingénierie et de sciences physiques de l’université Heriot-Watt, à Londres
Quel est le meilleur moyen de contrôler l’accélération de la demande énergétique prévue dans les prochaines décennies?
Prenons l’exemple de l’électrification des transports, plus particulièrement celui des voitures électriques. L’industrie est sur le point de décoller, et les progrès technologiques réalisés dans certains pays sont encourageants. Mais les réseaux électriques actuels n’ont pas été conçus pour le chargement à grande échelle de ces véhicules, alors il va falloir les transformer.
Est-ce que les énergies renouvelables apparaissent comme la solution pour faire face à cette crise énergétique mondiale?
Oui, mais ce n’est pas la seule solution. Il reste que le solaire, par exemple, a fait des progrès remarquables ces dernières décennies: le prix du kWh s’est rapproché ou a égalé les tarifs en vigueur sur le marché dans plusieurs régions du monde.
Mais ces énergies ont aussi des défauts…
En effet. Un des grands problèmes des énergies renouvelables, contrairement aux énergies fossiles, est qu’elles sont intermittentes : il est difficile de les mettre en place de façon systématique là où se trouve la demande.D’un autre côté, beaucoup de progrès ont été réalisés dans le domaine des batteries, ce qui a permis de réduire les prix du stockage de l’électricité. Tesla est probablement l’entreprise la plus connue dans ce secteur, mais il y a plusieurs autres innovations qui sont développées ailleurs, aussi bien par des start-up que par des compagnies plus établies.
Que nous réserve l’avenir sur le plan énergétique?
La gestion de la demande de puissance est cruciale dans l’équation énergétique. L’implantation des compteurs intelligents dans plusieurs pays facilitera le processus tout en dérangeant le moins possible la population. Par exemple, en période de pointe, le système d’air conditionné des immeubles de bureau peut être interrompu pendant 30 minutes environ. Ou alors, l’éclairage des zones vides d’un bâtiment peut être diminué. La demande d’énergie baisserait donc durant ces périodes où le tarif est plus élevé, de façon à ce que les résidants ne remarquent pas ou peu les changements.
5 sources d’énergie populaires
Pétrole
«C’est la source d’énergie au plus fort pouvoir calorifique, donc elle est plus commode à utiliser – avec un plein, on peut conduire des centaines de kilomètres. Mais les réserves sont concentrées dans quelques régions seulement, ce qui suscite des inquiétudes en termes de sécurité et d’approvisionnement. Le pétrole est aussi très polluant.»
Charbon
«Il a aussi un bon pouvoir calorifique – plus bas que celui du pétrole toutefois, –, mais il est moins pratique d’utilisation. Les réserves de charbon sont réparties plus équitablement sur la planète. Sa combustion est responsable d’une très grande part des gaz à effet de serre émis par les énergies fossiles. Il est également nocif pour la santé et l’environnement.»
Gaz naturel
«Comme les réserves de pétrole, celles de gaz naturel sont concentrées dans certaines régions. Mais le gaz naturel est “plus propre” que le pétrole (et beaucoup plus que le charbon). Cependant, il est moins commode d’utilisation et a un pouvoir calorifique plus faible, sauf sous forme liquide (mais il coûte alors plus cher).»
Hydroélectricité
«C’est le mode de production d’énergie le plus respectueux de l’environnement – à moins que quelque chose ne tourne mal. Mais il n’est réellement possible de produire de l’hydroélectricité que dans les pays ayant de grands lacs, des rivières et des montagnes.» Le Québec est, à cet égard, une région particulièrement favorisée.
Nucléaire civil
«Le nucléaire civil pâtit d’un manque d’acceptabilité sociale. Un pays comme l’Allemagne a décidé d’y renoncer.» Au Japon, six ans après la catastrophe de Fukushima et les promesses des autorités de sortir du nucléaire, le pays a finalement relancé ses centrales.