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Catalogne, indépendance et imprécisions

Si le président régional de centre-droit Artur Mas a perdu son pari le 25 novembre dernier, les nationalistes catalans, eux, ont enregistré une nette victoire, contrairement à ce qui a été véhiculé en une de plusieurs médias.
Photo: David Ramos/Getty

«Catalogne, pari perdu» (Le Devoir), « Échec des nationalistes en Catalogne » (24h), « Échec pour les nationalistes catalans » (La Presse) et tiens, sur le site de notre journal : « Recul pour le leader pro-référendum ». Pour les indépendantistes du Québec, qui voient en la Catalogne un possible allumeur, les grands titres des journaux avaient de quoi faire glousser.

Certes, l’imprécision, les ellipses et la subjectivité sont des pièges inévitables lorsque vient le temps de transformer 400 mots en 4 mots gras, mais pour les lecteurs expéditifs, l’impression est féroce. La population a tourné le dos au projet référendaire du président régional Artur Mas. Non seulement le nationaliste à la tête de la coalition de centre droit Convergence et Union (CiU) a perdu 12 sièges, mais ses rêves d’État catalan n’ont pas été partagés par la majorité.

C’était en somme le résumé superficiel à extraire des manchettes du 26 novembre, au lendemain des élections régionales en Catalogne. Un peu plus loin dans les textes des agences de presse, la mise en contexte changeait complètement la nouvelle.

La gauche indépendantiste – et nationaliste – arrive bonne deuxième, la Esquerra Republicana de Catalunya (ERC) ayant doublé son nombre de sièges. C’est cette formation avec laquelle Artur Mas devra négocier s’il souhaite diriger la région, une formation qui a fait du référendum une condition sine qua non à sa collaboration. Les deux impératifs : «Ne pas faillir dans le processus vers l’indépendance, et un changement des politiques sociales et économiques», a plaidé Oriol Junqueras, le leader du parti social-démocrate.

«Pari perdu» ? Il faut se demander lequel. Le vote exprime avant tout un profond ras-le-bol de la sacro-sainte austérité prêchée par la majorité des gouvernements européens… Et on voit avec quelle conséquence sur la croissance et l’emploi en Grèce ou en Allemagne. Artur Mas proposait un référendum sur l’indépendance – mot qu’il se garde d’ailleurs de prononcer –, mais aussi et surtout, un modèle de compressions des dépenses publiques calqué sur l’Espagne. À cela, les Catalans ont répondu par un non catégorique.

«Échec des nationalistes en Catalogne»? Il faut alors plaider que le nationalisme n’appartient qu’à un seul parti, le CiU de centre-droit. Quant à la position du peuple catalan sur l’indépendance, elle demeure prospective et incertaine. Mais son adhésion à des partis nationalistes, elle, est sans équivoque. Plus des deux tiers des Catalans ont voté pour un parti qui s’est engagé sur la voie référendaire.

Pour faire une comparaison grossière, mais non moins éclairante, avec la situation au Québec, il faudrait imaginer un Parti Québécois minoritaire, suivi de près par un Québec Solidaire doté de la balance du pouvoir. Si ces deux partis souverainistes avaient cumulé près de 70 % des votes, il aurait été curieux de lire à Barcelone : «Québec, le pari perdu» ou encore «Échec des nationalistes québécois».

Les dernières élections en Catalogne se résument plutôt à l’échec de l’unité nationale, et au pari perdu de l’austérité. De là à inscrire un nouveau pays sur Wikipédia, la route s’annonce longue et tumultueuse.

 

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