«Gilets jaunes» et brassards blancs à Paris : un service d’ordre pour éviter les violences
Brassard blanc autour du bras, ils ont passé la journée à guider le cortège, à parlementer : un service d’ordre de «gilets jaunes», un mouvement qui manque souvent de professionnalisme, a assuré samedi la sécurité de la manifestation parisienne pour éviter les confrontations et «les violences policières».
Les heurts autour de l’Arc de Triomphe ont quelque peu terni la manifestation qui avait auparavant traversé Paris sans incidents, de Bercy à la place de l’Etoile, sous l’œil vigilant des «brassards blancs».
«Je me suis porté volontaire (pour le service d’ordre). On est une quarantaine officiellement, mais on est plus avec ceux qui n’ont pas voulu donner leur nom», explique Anthony, 30 ans.
«Comme dans le mouvement des +gilets jaunes+, on est de toutes les classes sociales, des hommes, des femmes…», ajoute cet ancien parachutiste, béret rouge militaire sur la tête.
Les «gilets jaunes», ces Français modestes qui protestent contre la politique sociale et fiscale du gouvernement, sont mobilisés depuis la mi-novembre et de nombreuses violences ont émaillé les manifestations de leur mouvement créé en dehors des partis politiques et des syndicats.
Portant ou non un gilet jaune, coordonnés via téléphones ou oreillettes, les «brassards blancs» ont arpenté samedi, parfois au pas de charge, le défilé pour éviter les débordements.
«On canalise le cortège pour qu’il suive le tracé et pour éviter les confrontations, pour qu’ils (les manifestants) ne répondent pas aux provocations policières», explique Anthony, qui a participé à tous les manifestations depuis le début du mouvement.
«L’objectif, c’est que ça ne chauffe pas. On fait tampon, on prendra peut-être des trucs (coups et projectiles, ndlr) mais ça évitera que tous les autres manifestants en prennent», explique Bryan, un employé du BTP de 36 ans.
Arrivé «de province», il s’est porté volontaire au départ de la manifestation. «Je suis venu ce matin, ils cherchaient des gens. C’est la deuxième manifestation de ma vie, la première c’était l’acte VIII (samedi dernier, ndlr). Mais j’en ai marre qu’on se fasse gazer et taper, de voir des femmes se faire tirer par les cheveux…», raconte-t-il.
Sur les réseaux sociaux, les violences policières alimentent les conversations depuis des semaines. L’inspection générale de la police nationale (IGPN) a reçu près de 200 signalements sur sa plateforme qui permet aux particuliers d’alerter la police des polices de violences policières.
Depuis le début du mouvement des «gilets jaunes», elle est officiellement saisie de 67 dossiers par l’autorité judiciaire, selon une source policière.
Par ailleurs, une enquête a été aussi ouverte à Toulon, une ville du sud-est de la France, après la diffusion sur les réseaux sociaux d’une vidéo montrant un commandant donner plusieurs coups de poing au visage à un homme plaqué contre un mur, avant que d’autres policiers ne s’interposent.
«Les gens sont en colère»
Dès le départ à 10H00 GMT, les «brassards blancs» ont veillé à ce que le cortège reste sur l’itinéraire déclaré et tenté, en vain, de faire ralentir le tempo des manifestants qui défilaient à vitesse rapide.
Dans le quartier de la Bastille, dans l’est parisien, ils ont fait descendre deux personnes qui sautaient sur un abribus. «Ça va leur donner une raison (aux CRS, forces anti émeutes) pour charger», exhorte une jeune femme pour les convaincre de descendre.
Près des Galeries Lafayette, ils ont fait un cordon, bras dessus bras dessous, pour barrer le passage à des manifestants qui voulaient s’en prendre aux forces de l’ordre présentes dans une rue adjacente, puis écarté ceux qui voulaient s’attaquer aux vitrines. «Vous êtes des putains de moutons de Macron !», lance un manifestant masqué, les yeux plantés dans ceux d’un «brassard blanc» stoïque.
La diplomatie, les appels à la «solidarité» et la rigolade n’ont pas toujours suffi, les discussions ont été parfois tendues, parfois appuyées de bousculades.
«Les gens sont en colère et je les comprends», explique Anthony. «Quand on voit des policiers, casqués, armés avec des « flashballs » face à des manifestants désarmés et quand on sait ce tout ce qui s’est passé avec des « flashballs », c’est une provocation. Il y a des personnes âgées, des enfants, des familles… Franchement, vu la colère et le nombre, les gens restent raisonnables», estime-t-il.
Leur présence et leur action ont été globalement bien accueillies par les manifestants.
«C’est une bonne chose d’avoir un service de sécurité comme ça. Ça nous protège de la police qui fait souvent n’importe quoi», commente Etienne, originaire de la région parisienne.
«Les affrontements et la casse, ça donne des arguments au pouvoir pour nous décrédibiliser le mouvement», ajoute-t-il.