Antisémitisme, antisionisme: l’Assemblée française se prononce
Comment définir l’antisémitisme? L’Assemblée nationale française a adopté mardi une proposition de résolution soutenue par le gouvernement, mais qui a entraîné un record d’oppositions de députés du parti présidentiel, certains craignant qu’elle empêche toute critique de la politique d’Israël.
Cette résolution, sans valeur contraignante, reprend la définition de l’antisémitisme donnée par l’Alliance internationale pour la mémoire de l’Holocauste (IHRA),validée par le Parlement européen et 20 pays dont 16 de l’UE, et appuyée par le président Emmanuel Macron.
Ce dernier avait en février affirmé vouloir élargir la définition de l’antisémitisme à l’antisionisme.
Selon la définition de l’IHRA, «les manifestations rhétoriques et physiques de l’antisémitisme visent des individus juifs ou non et/ou leurs biens, des institutions communautaires et des lieux de culte».
Cette définition constitue «un instrument efficace», précise la résolution, «en ce qu’elle englobe les manifestations de haine à l’égard de l’État d’Israël justifiées par la seule perception de ce dernier comme collectivité juive».
Il s’agit en effet d’un des multiples «exemples» cités par l’IHRA pour aider à caractériser l’antisémitisme.
Le texte, sans valeur contraignante, a été adopté par seulement 154 voix, principalement celles de députés de la République en marche (LREM, au pouvoir) et Les Républicains (LR, droite). Ont voté contre 72 députés de gauche, tandis que 43 se sont abstenus.
Vingt-six députés LREM se sont prononcés contre — du jamais vu dans le groupe majoritaire depuis l’accord de libre échange Ceta (9 contre).
Ces résultats étaient presque un soulagement parmi les cadres LREM, après une réunion houleuse dans la matinée et compte tenu de la crainte d’une désertion du Palais Bourbon où siège l’Assemblée.
Le ministre de l’Intérieur Christophe Castaner a salué avec ce vote «un geste symbolique fort», considérant que «c’est en disant les choses que nous ferons reculer la haine», alors que 107 tombes du cimetière juif de Westhoffen (est de la France) ont été découvertes mardi maculées de croix gammées.
«L’antisémitisme est un crime et nous le combattrons, à Westhoffen comme partout, jusqu’à ce que nos morts puissent dormir en paix», a réagi le président Macron.
Après le vote, le ministre israélien des Affaires étrangères Israel Katz a «salué la décision du Parlement français». Le Crif (institutions juives) s’est réjoui, voyant «une étape nécessaire pour renforcer la lutte contre un fléau qui représente plus de 50% des actes racistes dans notre pays».
Auparavant, un collectif de 127 intellectuels juifs avait en revanche jugé «hautement problématique» le texte car il «assimile (…) l’antisionisme à l’antisémitisme».
«Certains juifs s’opposent au sionisme pour des raisons religieuses, d’autres pour des raisons politiques ou culturelles», rappelle le collectif, dans une tribune publiée dans le quotidien Le Monde.
Par ailleurs, «Pour les Palestiniens, le sionisme représente la dépossession, le déplacement, l’occupation et les inégalités structurelles. (…) Ils s’opposent au sionisme non par haine des juifs, mais parce qu’ils vivent le sionisme comme un mouvement politique oppressif».