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L’armée de Malala à l’assaut de l’intégrisme

Photo: Amima Sayeed
Elisabeth Braw - Metro World News

Pakistan. En octobre dernier, Malala Yousafzai, une écolière pakistanaise de 15 ans attaquée par les talibans parce qu’elle défendait le droit des filles à l’éducation, est devenue une icône mondiale. Portées par son exemple, les femmes pakistanaises sont de plus en plus nombreuses à se joindre à sa lutte contre l’intégrisme.

Le spacieux café de Sabeen Mahmud rappelle certainement San Francisco. Les murs affichent des œuvres d’artistes locaux et le menu offre des paninis et des cafés lattés. Sur un tableau, une affiche invite les gens à des lectures d’auteurs et à des soirées de discussion.

Mais nous sommes bien à Karachi, ville associée dans le reste du monde à l’extrémisme et à la violence sectaire. Dans les faits, le café de Mme Mahmud est une entreprise risquée : «La peur est cette ligne dans votre tête, conçoit-elle. Je veux faire ce que j’ai envie de faire. Bien sûr, je souhaite plus de sécurité, mais je ne vais pas m’inquiéter des risques de me faire violer ou tuer. La peur est devenue la normalité à Karachi.»

Partout au Pakistan, on trouve des femmes comme Sabeen Mahmud qui luttent avec ténacité contre l’extrémisme en croissance. Plusieurs talibans ont quitté l’Afghanistan pour s’installer en sol pakistanais. Autour de Karachi, il y a des colonies entières de talibans : ces derniers se vantent même d’être protégés par la police.

«La situation empire pour les citoyens pakistanais à cause du terrorisme et de l’extrémisme. Les femmes et les minorités sont toujours plus vulnérables dans de telles situations», explique Mahnaz Rahman, directrice de la fondation Aurat (Femme) à Karachi.

«Il est douloureux de constater à quel point nous avons régressé en 10 ans. Il y avait tellement de liberté avant : nous pouvions faire du vélo, porter ce que nous voulions. Maintenant, je ne laisse même pas ma fille aller seule au magasin du coin tellement c’est risqué.»

Farieha Aziz, une jeune activiste qui a récemment fondé une ONG, réalise que «même le mot ONG est devenu un juron au Pakistan». Elle continue tout de même son travail.

En ce qui a trait aux droits des femmes, le Pakistan est très contradictoire. Benazir Bhutto a été la première femme musulmane élue à la tête d’un gouvernement. La majorité des étudiants en médecine sont maintenant des femmes. On trouve des femmes pilotes et des femmes juges. Mais il y a toujours des mariages forcés et des crimes d’honneur. Cependant, Majida Rizvi, la première femme juge du Pakistan, observe que «les femmes sont en train de se frayer un chemin vers l’avant».

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L’Inde, l’éternelle ennemie du Pakistan, joue sa part dans l’équation. «Beaucoup de personnes regardent la chaîne de télévision indienne Star Plus. Les femmes y sont toujours belles et dévouées, et elles sont dépeintes comme des personnes intellectuellement inférieures», observe la militante Tabinda Sarosh.

Malgré les talibans et les feuilletons indiens, de plus en plus de femmes joignent les rangs de l’armée officieuse des femmes pakistanaises. Récemment, Sabeen Mahmud, qui à 38 ans compte 2 décennies de militantisme à son actif, a organisé une manifestation en solo pour protester contre la campagne islamiste anti-Saint-Valentin. Et elle demande encore plus d’action : «Pourquoi les gens protestent-ils partout sauf ici?» se demande-t-elle. Mais elle se rappelle que les petites victoires apportent le changement. «Avons-nous arrêté la guerre? Non! Avons-nous fait une brèche? Oui!»

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Analyse
Nasreen  Jalil Sénatrice de  Karachi, Pakistan
«Les talibans nous menacent» – Nasreen Jalil, sénatrice de Karachi, Pakistan

La violence augmente au Pakistan parce que l’Arabie saoudite et l’Iran mènent une guerre par procuration ici et que plusieurs talibans afghans ont immigré sur notre territoire.

Ils attaquent les femmes et menacent de s’en prendre à mon parti. Ils séquestrent et ils tuent. Mais ce ne sont pas les seuls qui commettent des crimes. Plusieurs groupes criminels impliqués dans des enlèvements et le trafic de drogue sont protégés par les partis politiques nationaux.

Nous avons un quota de 33 % de femmes au Parlement, mais, dans les faits, les membres du parti au pouvoir ont simplement placé leurs sœurs à des postes. En réalité, il n’y a aucune différence.

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