Gaokao, l’examen auquel les Chinois redoutent d’échouer

Le Gaokao est l’examen qui décide de l’avenir de la jeunesse chinoise. Après des préparations infernales, 9,1 millions de jeunes font cet examen pendant trois jours au mois de juin. Malgré ses défauts, le Gaokao permet aux adolescents ruraux de devenir ingénieurs.
Derrière les portes de l’école secondaire #15, 2 000 étudiants se préparent au Gaokao (prononcé «Gow-Kow»), l’examen de fin d’année qui permet à 75 % des étudiants chinois d’entrer à l’université… tandis que les autres travailleront dans une usine. La préparation consiste en des répétitions sans fin des mêmes leçons et en de nombreuses pratiques pour qu’aucune erreur ne soit faite dans la salle d’examen.
Les journées sont donc extrêmement longues : «Six jours par semaine, nous commençons à 7 h 30 et nous finissons à 20 h», dit Zhou Hao, 17 ans, dans son uniforme scolaire bleu et blanc. Son père est chauffeur de taxi alors que sa mère travaille dans une épicerie. L’argent qu’ils arrivent à économiser sert à payer des tuteurs privés.
«Mes parents veulent que j’accède à une des meilleures universités, mais il y a très peu de places. Je ne veux pas les décevoir.»
Zhou Hao et ses camarades de classe tiennent à ce que leurs familles soient heureuses, les Chinois accordant une importance primordiale à la hiérarchie sociale, sans respect pour la volonté des enfants qui ont peu d’espace pour contester ou pour avoir une pensée critique.
Son professeur d’anglais a beau dire que Zhou Hao excelle en langues étrangères, l’adolescente peine à dire plus que «Mon nom est…» ou «Quel âge avez-vous?» Et ce n’est pas surprenant : le Gaokao ne demande que des aptitudes à l’écoute, et aucune à l’oral. Ainsi, parce que l’examen ne valorise pas le sport, elle n’a jamais appris à nager.
Zhou Hao ignore ce qu’elle fera plus tard. En Chine, les diplômes n’ont généralement rien à voir avec les emplois offerts sur le marché. Mais pour les étudiants chinois, l’université est un symbole de liberté, loin de la pression familiale.
L’horaire du Gaokao
- 1er jour d’examen. Matinée: littérature chinoise ou des minorités ethniques et dissertation. Après-midi: mathématiques.
- 2e jour d’examen. Matinée: Histoire et politique chinoises ou physique, biologie et chimie. Après-midi: langues étrangères.
- Question. «Les athlètes doivent courir le plus vite possible sur une distance limitée. Dans la vie de tous les jours, les gens visent à faire la plus grande distance sur une période de temps limitée. Écrivez un texte de 800 mots à ce sujet.»
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Un échec au Gaokao mène à l’étranger
Si des parents bien nantis ne croient pas au succès de leur enfant au Gaokao, ils l’envoient étudier à l’étranger. Non seulement plusieurs parents chinois – dont le président Xi Jinping – privilégient l’obtention d’un diplôme étranger, mais ils veulent aussi éviter les tracas occasionnés par le Gaokao.
Ainsi, le nombre d’étudiants du secondaire qui ont quitté le pays pour poursuivre leurs études à l’étranger a augmenté de 20 % chaque année de 2008 à 2010.
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Entrevue avec Liu Haifeng, de l’institut d’éducation dean, Université Xiamen
«Le Gaokao maintient l’ordre social en Chine»
À quel point est-ce négatif?
Comme c’est le seul examen de l’année, il engendre une compétition féroce entre les étudiants et les écoles, dont la réputation et les subventions gouvernementales dépendent de leur succès au Gaokao. De plus, plusieurs écoles enseignent à leurs étudiants uniquement la matière qui est demandée à l’examen. C’est comme si la musique, l’art, l’éthique, le sport ou la philosophie ne comptaient plus. Le fait que le Gaokao ne récompense pas l’imagination et que les bonnes réponses soient très standardisées constitue un autre aspect négatif.
Quelle place occupe-t-il dans le système d’éducation chinois?
L’objectif du Gaokao est louable, car n’importe qui peut réussir grâce à ses efforts, peu importe le réseau ou le milieu social. Il stimule l’effort des jeunes Chinois partout au pays : un enfant de ferme sait qu’il peut entrer à l’université et devenir ingénieur. Cela aide à maintenir l’ordre social.
Est-ce que le Gaokao peut être réformé?
C’est difficile parce que l’examen affecte plus de neuf millions d’étudiants chaque année, sans compter leurs familles. Au fil des 20 dernières années, le nombre d’étudiants issus de milieu rural à avoir atteint une université de première classe a décliné. Et c’est dur d’empêcher les familles de corrompre les enseignants pour qu’ils admettent leurs enfants au Gaokao.
Folie des examens. Tuer les grenouilles et arrêter les trains pour réduire le bruit.
L’année dernière à Qingdao, les grenouilles d’un étang ont été empoisonnées parce que leurs croassements empêchaient des étudiants de dormir, ont rapporté plusieurs médias chinois.
À Wuhan, les trains ont été suspendus durant un test d’anglais parce que leur passage dérangeait. Les autorités de Xi’an ont quant à eux ordonné que tous les chantiers soient suspendus.
Dans la province de Shanxi, un adolescent s’est poignardé devant les portes de son école après avoir admis à ses parents que son examen avait mal été. Le même jour, à Shanghai, un garçon qui était en retard de deux minutes à son examen s’est vu refuser l’entrée de la salle de classe. Sa mère est venue supplier le professeur à genoux pour qu’on le laisse entrer, en vain.