Immigrants du désespoir
Pour son chant du cygne, Navi Pillay a sermonné Barack Obama. Mais son poids politique est celui d’une plume face à l’homme le plus puissant de la planète qui songe à renvoyer chez eux des milliers d’enfants et d’adolescents d’Amérique centrale en situation illégale aux États-Unis.
En quittant, jeudi dernier, la direction du Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme, la Sud-Africaine d’origine indienne qui avait succédé il y a six ans à la Canadienne Louise Harbour a eu ces mots: «L’expulsion ne devrait avoir lieu que si leur protection est garantie dans les pays où ils sont renvoyés.»
Un vœu pieux, car l’insécurité au sud du Rio Grande est chronique avec les narcotrafiquants constamment à la recherche de jeunes pour écouler leur drogue.
Sur les toits de trains de marchandises, des milliers de mineurs centroaméricains ont choisi de quitter cet enfer pour se retrouver dans des bases militaires du Texas et de l’Arizona aménagées en refuges.
Depuis octobre, 57 000 jeunes Guatémaltèques, Salvadoriens et Honduriens ont été interpellés en sol américain. Deux fois plus qu’en 2012. Seuls, souvent au péril de leur vie, ils continuent à fuir les gangs de leurs pays où la grande pauvreté gagne tous les jours du terrain dans des villes considérées parmi les plus dangereuses du monde à cause surtout du trafic de drogue.
À l’origine de cet afflux de jeunes Centroaméricains (âgés de 12 à 17 ans), une loi signée en 2008 par George W. Bush. Destinée à faire barrage au trafic d’enfants, elle rend difficile l’expulsion de mineurs provenant de pays n’ayant pas de frontières avec les États-Unis. Les jeunes Mexicains, eux, sont expulsés sur-le-champ.
Mais, tout cela risque de changer. L’administration Obama a renvoyé plus de deux millions de sans-papiers depuis 2009 et elle compte bien sévir avec les mineurs centroaméricains.
C’est là qu’est intervenue Navi Pillay. En plus de s’en prendre à Washington, elle a précisé ceci: «Il faut s’attaquer aux véritables causes de la crise, dans les pays d’origine et de destination.» Vaste programme…
Pour Obama, il faut parer au plus pressé. La crise humanitaire aux frontières, c’est de la dynamite politique pour son parti. Aux législatives de novembre, les démocrates, déjà minoritaires à la Chambre des représentants, risquent de perdre leur majorité au Sénat.
L’Union européenne a ses boat people africains – dont plusieurs périssent en Méditerranée – les États-Unis ont leurs 12 millions de sans-papiers et à présent les mineurs clandestinos qui arrivent souvent affamés et déshydratés. Tous sont des immigrants du désespoir.