Hong Kong, pas de «Tiananmen-sur-Mer»?
«Patience et longueur de temps font plus que force ni que rage.» Xi Jinping a-t-il lu Le Lion et le Rat de La Fontaine? Qu’importe. Il a choisi la prudence face à la «révolte des parapluies» de Hong Kong.
Pour le président chinois, le soleil se lèvera comme tous les matins sur l’empire du Milieu communiste et les milliers de manifestants d’Occupy Central réclamant depuis neuf jours davantage de démocratie ne changeront rien à cette certitude.
C’est donc la politique du wait and see. Pas question de sonner la charge, même si les gaz lacrymogènes ont déjà été utilisés. Pas question surtout de faire rouler les tanks qui se tiennent prêts comme à Tiananmen il y a un quart de siècle. Sur la grande place de Beijing, l’armée n’était intervenue qu’après deux mois de manifestations contre la corruption et pour des réformes politiques. Si la révolte a été écrasée dans le sang le 4 juin 1989, le bilan du massacre fait toujours l’objet de débats.
Alex Lo, chroniqueur au South China Morning Post, quotidien influent de Hong Kong, ne croit pas à un «Tiananmen-sur-Mer».
«Le gouvernement et la police ont tiré leurs leçons d’autres villes pour savoir comment réagir aux mouvements de style Occupy. Ils les laissent faire pendant un certain temps, attendent qu’ils se fatiguent, puis font vider les lieux d’occupation. Cela s’est fait à Londres, Barcelone, Oakland et à Wall Street…» (échange de courriels).
Même si la «révolte des parapluies» dure «des semaines et même des mois», précise le journaliste, «ceux qui espèrent un moment Tiananmen seront déçus».
Peut-être, mais encore une fois Beijing était resté les bras croisés de longues semaines en 1989 avant d’écraser la révolte, totalement occultée en Chine, mais commémorée chaque année dans la région semi-autonome de l’ancienne colonie britannique qui représente moins de 1% de la population chinoise.
Xi Jinping ne peut se permettre de voir la grogne à Hong Kong gagner le reste du pays, déjà empêtré dans des inégalités sociales plus grandes que dans les économies capitalistes avancées.
Néanmoins, il ne peut taper du poing. Du moins pour l’instant. Il reçoit le 10 novembre les dirigeants de l’APEC, l’Organisation de coopération économique Asie-Pacifique. Ses mains doivent rester propres.
Les premiers signes de division au sein d’Occupy Central doivent le rassurer. Les heurts violents ayant opposé les contestataires aux forces policières et même à des contre-manifestants dont certains seraient des membres de la triade, la mafia chinoise, ne doivent pas lui déplaire.
Pour mater une révolte, Xi Jinping a finalement dû lire Le Lion et le Rat: «On a souvent besoin d’un plus petit que soi.»