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Sophie Langlois voit l’Afrique autrement

Photo: Normand Blouin

«L’objectif de Lumières d’Afrique, c’était de montrer une autre Afrique que celle des guerres, des famines et des épidémies», affirme la journaliste Sophie Langlois. Son livre, illustré des photos de son conjoint photographe Normand Blouin, navigue entre beautés et dures réalités du quotidien sur ce grand continent. Aperçu.

Une histoire d’amour
Sophie Langlois, correspondante de Radio-Canada en Afrique, a été basée à Dakar, au Sénégal, de 2007 jusqu’à la fermeture du bureau, en 2009. Depuis, elle couvre l’Afrique à partir de Montréal.

«Je pense que l’Afrique est tellement un autre univers que celui qu’on connaît que, quand on y va, on ne peut pas rester indifférent […]. J’ai fini par développer un grand amour pour ce continent, pour ses gens surtout, mais ça n’a pas été un coup de foudre.»

Les nombreuses différences entre ici et là-bas dans la façon de vivre force à changer ses habitudes. «On est habitué à un mode de vie où l’efficacité et la productivité sont au cœur de nos mécanismes, alors que là-bas, c’est plus la joie de vivre, l’insouciance. Ils disent souvent: “Vous avez les montres, nous, on a le temps”, en se moquant gentiment de nous, souligne Mme Langlois. [Par exemple], on est obsédé par la ponctualité parce qu’ils sont souvent en retard. Mais pour eux, ils t’ont fait attendre, mais c’était peut-être pour rendre service à quelqu’un d’autre en chemin.»

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Fascinant quotidien

«Si tu vis là-bas, t’as des idées d’histoires tous les jours dans ton environnement quotidien», confirme la journaliste.

Mme Langlois a vite remarqué au cours de son travail que ce sont ses reportages qui traitaient de la vie de tous les jours qui suscitaient le plus de réactions chez les téléspectateurs. «En télévision, c’est ça qui est le plus porteur aussi, parce que ça nous permet de découvrir des personnages, plutôt que juste avoir des têtes parlantes [comme] des politiciens ou des spécialistes qui vont nous expliquer le b. a.-ba des enjeux géopolitiques d’une région, avance la journaliste. C’est pour ça que j’ai rarement essayé d’avoir des entrevues de politiciens, parce que je voulais que les gens découvrent qui est Mme Untel qui essaie de faire scolariser les filles du village.»

Ces reportages, qui ne faisaient pas la manchette, Sophie Langlois les faisait souvent «à temps perdu». «Malheureusement, avec la fermeture du bureau, et comme on se déploie souvent pour des nouvelles catastrophes, c’est plus difficile [à faire maintenant]. Quand je suis allée couvrir la guerre civile en Côte-d’Ivoire, c’était un peu difficile de trouver des histoires positives parce que les conditions de tournage ne le permettent juste pas.»

«J’ai voulu parler […] d’une Afrique qui se prend en main, [montrer] des Africains qui se tiennent debout, qui n’attendent pas que des ONG débarquent et leur donnent des millions pour prendre des initiatives et s’en sortir.» – Sophie Langlois, journaliste et correspondante de Radio-Canada en Afrique

voyage au sine saloum avec olivier
Des combats porteurs d’espoir…

Plusieurs de ces histoires recueillies au fil du quoditien sont racontées dans Lumières d’Afrique. On rencontre ainsi Ibrahim, de Somalie, qui veille à ce que les enfants de son entourage aillent à l’école. On fait connaissance avec Haïdar, un écologiste du Sénégal qui deviendra «le ministre qui plantait des arbres». On apprend l’histoire d’Élizabeth et d’Imelda, deux jeunes mères de la République démocratique du Congo, qui ont le courage de dénoncer les hommes qui les ont violées.

«J’espère que, dans mes textes, on voit aussi le sourire de ces gens qui mènent des combats durs, mais qui le font par choix, pour la plupart d’entre eux, expose Mme Langlois. S’ils ont choisi ces vies, c’est que ça les rend heureux, même si c’est difficile. Ce sont des combats qui sont porteurs d’espoir.»

… et un examen de conscience occidental à faire
Sophie Langlois porte un regard lucide sur les situations qu’elle a abordées pendant ces six dernières années. Elle questionne d’ailleurs la responsabilité occidentale dans certaines crises qui touchent l’Afrique.

«Je pense que l’Afrique peut faire plein d’affaires sans nous. Mais c’est clair que si les règles [économiques] ne sont pas les mêmes pour tout le monde, il va toujours y avoir un énorme déséquilibre, observe-t-elle. L’exemple des subventions agricoles est facile à comprendre, parce qu’on se bat [au Québec à propos] des fromages dans l’entente de libre-échange avec l’Europe. On essaie de protéger nos productions agricoles avec des règles et des quotas, et on dit aux Africains qu’ils n’ont pas droit à ces systèmes-là. Ils produisent du riz qui leur coûte plus cher que le riz d’Europe ou d’Asie, [alors que ces continents font du dumping].»

LumieresAfriqueLumières d’Afrique
Textes de Sophie Langlois et photos de Normand Blouin
Éditions Cardinal
En librairie

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